M. Blinken est le plus haut responsable américain à visiter l'Éthiopie depuis novembre 2020 et le début de la guerre entre le gouvernement fédéral éthiopien et les autorités rebelles de la région du Tigré, à laquelle a mis fin un accord de paix signé le 2 novembre à Pretoria, en Afrique du Sud.
"Il y a beaucoup à faire. Le plus important étant probablement d'enraciner la paix qui s'implante dans le nord" du pays, a déclaré le chef de la diplomatie américaine avant un entretien avec son homologue éthiopien, Demeke Mekonnen, également vice-Premier ministre.
Il a également souligné "l'objectif de renforcer la relation entre les États-Unis et l'Éthiopie", alors que cette dernière a été exclue depuis janvier 2022, en raison du conflit et au grand dam d'Addis Abeba, de l'Agoa, initiative américaine exemptant de taxes les exportations de certains pays africains.
"Nous avons des relations anciennes et il est temps de les raviver et d'avancer", avait auparavant déclaré M. Demeke en l'accueillant au ministère éthiopien des Affaires étrangères. Après cet entretien, M. Blinken s'est rendu aux bureaux du Premier ministre pour y rencontrer Abiy Ahmed qui dirige l'Éthiopie depuis 2018.
Rôle crucial
Prix Nobel de la paix en 2019 pour avoir mis fin à 20 ans de guerre ouverte ou larvée avec l'Érythrée voisine, M. Abiy est, depuis le conflit, passé aux yeux de Washington de symbole d'une nouvelle génération de dirigeants africains modernes à quasi-paria. Abiy Ahmed a envoyé en novembre 2020 l'armée fédérale au Tigré, accusant les autorités régionales qui contestaient son pouvoir depuis plusieurs mois d'y avoir attaqué des bases militaires.
Le Tigré était alors dirigé par le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), parti ayant gouverné de fait l'Éthiopie de 1991 à 2018, avant d'être progressivement marginalisé par M. Abiy, arrivé au pouvoir après plus de deux ans de contestation populaire. Le conflit a débordé dans les régions voisines de l'Amhara et de l'Afar, dont les forces ont soutenu l'armée fédérale, laquelle a également reçu l'appui de l'armée de l'Erythrée, ennemie historique du TPLF.
La guerre a été marquée par de multiples exactions des deux camps, certaines constituant selon Washington des crimes contre l'humanité. Si l'accord de Pretoria a été négocié et signé sous les auspices de l'Union africaine (UA), les États-Unis – et leur envoyé spécial dans la région, Mike Hammer – ont joué un rôle crucial auprès des belligérants, soulignent des sources diplomatiques.
Conflit meurtrier
Les relations américano-éthiopiennes ne sont pas encore prêtes à "revenir à la normale", avait toutefois averti à Washington Molly Phee, secrétaire d'Etat adjointe chargée de l'Afrique. Le gouvernement éthiopien doit prendre des mesures "permettant de briser le cycle de violences ethnico-politiques" qui minent le pays, s'il veut remettre sa relation avec Washington "dans l'avancée".
Le bilan exact des victimes est difficile à évaluer mais les États-Unis estiment que quelque 500.000 personnes ont péri en deux ans de conflit au Tigré, plus que depuis l'invasion russe de l'Ukraine qui monopolise l'attention médiatique. L'envoyé de l'UA pour la Corne de l'Afrique, Olusegun Obasanjo, avait avancé de son côté mi-janvier que jusqu'à 600.000 personnes auraient été tuées.
Si les combats ont cessé au Tigré – dont l'accès est toujours interdit à la presse – d'autres régions éthiopiennes restent le théâtre de conflits sanglants, souvent liés au réveil, sous le gouvernement de M. Abiy, de revendications identitaires et foncières.
La visite de M. Blinken, qui se rendra ensuite au Niger, intervient également sur fond d'efforts du président Joe Biden pour contrer les influences croissantes sur le continent de la Chine et – plus récemment – de la Russie.
Moscou mène actuellement une intense offensive diplomatique en Afrique, et notamment en Éthiopie, pour s'attirer le soutien des pays du continent et les convaincre de ne pas appuyer les efforts de sanctions occidentales. La Chine, elle, continue d'asseoir son influence en Afrique via des relations essentiellement d'affaires, sans pression sur le respect des droits humains.