Jonathan Pollard, un juif américain ayant espionné au profit d'Israël, est sorti discrètement vendredi de sa prison aux Etats-Unis, après trente ans d'une réclusion jugée démesurée par l'Etat hébreu, où il est vu par une partie de la population comme un héros national.
L'ex-analyste de la marine américaine est sorti dans la nuit de jeudi à vendredi de sa prison fédérale de Butner, une petite ville de l'Etat de Caroline du Nord, ont confirmé à l'AFP ses deux avocats Jacques Semmelman et Eliot Lauer.
Le bureau des prisons (U.S. probation office) a indiqué que Jonathan Pollard est désormais en liberté conditionnelle. Il reste soumis à cinq ans d'interdiction de quitter le territoire américain.
L'annonce initiale de la libération est venue d'Israël d'où, sans surprise, ont aussi fusé les premières réactions de joie.
"Je peux confirmer que Jonathan Pollard est libre", a déclaré sans autres précisions le porte-parole de son principal groupe de soutien dans l'Etat hébreu.
"Le peuple d'Israël salue la libération de Jonathan Pollard", a réagi dans la foulée le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. "Après trois longues et difficiles décennies, Jonathan est enfin réuni avec sa famille".
"Après avoir mis le sujet sur la table avec les présidents américains pendant de nombreuses années, j'attendais ce jour avec impatience", a souligné M. Netanyahu.
L'homme aujourd'hui âgé de 61 ans est resté pendant plusieurs décennies une pomme de discorde majeure entre Israël et l'Amérique, dont les présidents successifs, de Ronald Reagan à Barack Obama, avaient toujours refusé sa libération anticipée.
Nombre d'Israéliens sont prêts à l'accueillir, le considérant comme un idéaliste ayant sacrifié sa liberté pour leur sécurité.
Ce n'est pas l'avis de hauts responsables du Pentagone ou de la CIA, qui n'ont jamais digéré les milliers d'informations classées secret-défense que l'espion a livrées contre de l'argent à l'allié stratégique.
Signe que son cas reste sensible, Benjamin Netanyahu a, selon la presse locale, demandé à ses ministres de s'abstenir de tout triomphalisme trop sonore, à l'occasion de la libération de Pollard, qui a obtenu la nationalité israélienne en 1995.
Profil bas
Les avocats du prisonnier avaient affiché ces derniers jours une même discrétion, refusant de s'exprimer et de donner des détails sur les intentions de leur client une fois libre.
Un mutisme partagé à la prison de Butner, qui avait demandé jeudi aux journalistes de se tenir à l'extérieur de l'enceinte et en refusant de préciser l'heure de sortie prévue de Pollard.
Celui-ci aurait fourni l'assurance d'avoir un emploi et un lieu de résidence dans la région new-yorkaise même si, selon ses proches, il désire s'établir en Israël avec Esther Zeitz, une juive canadienne qu'il a épousée en prison.
Diplômé de Stanford, Jonathan Pollard avait été reconnu coupable en 1987 d'avoir fourni à Israël, de juin 1984 à son arrestation en novembre 1985, des milliers de documents secrets sur les activités d'espionnage des Etats-Unis, principalement dans les pays arabes.
Il aurait ainsi aidé Israël à bombarder en 1985 le QG de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), alors exilée en Tunisie, et à assassiner le numéro deux de l'OLP, Abou Jihad, à Tunis en 1988.
Mais pour les Etats-Unis, l'espion aux motivations vénales a causé un tort considérable aux intérêts américains, en pleine Guerre froide.
Selon certaines sources, Pollard aurait livré à d'autres pays qu'Israël des informations cruciales, qui ont pu finir entre les mains de l'URSS.
Après l'accord iranien
Durant des années, le sort du détenu, devenu une icône de la droite israélienne, a fait l'objet de marchandages liés aux libérations de prisonniers palestiniens ou les négociations de paix israélo-palestiniennes.
Mais ces efforts avaient toujours buté sur un front du refus à Washington, l'ancien chef de la CIA George Tenet ayant même mis un jour sa démission dans la balance.
Jonathan Pollard avait obtenu en juillet la promesse de sa libération conditionnelle, quelques jours après l'annonce d'un accord entre les puissances occidentales et Téhéran sur le programme nucléaire iranien. Des observateurs avaient alors suggéré qu'il s'agissait d'un geste de compensation de Washington envers Israël.
Mais plusieurs experts consultés par l'AFP écartent cette hypothèse. "Cette libération conditionnelle va peut-être aider les relations (israélo-américaines) mal en point après l'accord sur l'Iran, mais elle n'en a pas découlé", explique Michael Brenner, directeur du Centre d'études d'Israël à l'American University de Washington.
AFP