Ni le gouvernement éthiopien, ni les autorités rebelles du Tigré – qui s'accusent mutuellement d'avoir déclenché les nouveaux affrontements – n'ont donné d'information sur la poursuite ou non des combats et aucun n'a répondu aux questions de l'AFP dans l'immédiat. Dans un communiqué daté de mercredi, les autorités rebelles du Tigré ont simplement indiqué que les forces gouvernementales "n'avaient pas réussi" à "briser (leurs) lignes de défense".
Les combats, qui se sont déclarés mercredi dans des zones des régions de l'Amhara et de l'Afar, situées autour de la pointe sud-est du Tigré, ne semblent pas s'être étendus. Mais ce retour de la violence suscite l'inquiétude de la communauté internationale, qui craint une reprise du conflit à grande échelle et la fin des maigres espoirs suscités en juin par des perspectives de négociations jamais concrétisées.
Le conflit qui dure depuis 21 mois a fait plusieurs milliers de morts, plus de deux millions de déplacés et plongé des centaines de milliers d’Éthiopiens dans des conditions proches de la famine, selon les Nations unies
"Les informations sur une reprise du conflit dans le nord de l'Ethiopie assombrit les perspectives de paix", a estimé le chef de la diplomatie de l'Union européenne Josep Borrell, appelant "toutes les parties à désamorcer la situation avant qu'elle ne dégénère à nouveau en guerre à part entière".
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a appelé les deux parties "à mettre une fin définitive au conflit", rappelant que la reprise des combats mettait en danger la trêve conclue fin mars "qui a réduit la violence et sauvé des vies".
"Contacts directs"
Jeudi, le vice-Premier ministre éthiopien et ministre des Affaires étrangères Demeke Mekonnen a répété lors d'une réunion avec des diplomates que "le gouvernement est prêt à défendre l'intégrité territoriale et la souveraineté de la nation", selon un communiqué. "Mais il est également déterminé à utiliser des moyens pacifiques pour mettre fin au conflit et à collaborer avec les organisations humanitaires pour atténuer les souffrances inutiles", a-t-il affirmé, accusant les rebelles de continuer à "utiliser à des fins militaires les fournitures humanitaires destinées à soutenir les civils, tout en ne reconnaissant pas les mesures de paix prises par le gouvernement".
Depuis fin juin, le gouvernement éthiopien et les rebelles du Tigré répètent à l'envi leur disposition à entamer des négociations de paix, mais continuent de s'opposer sur leurs modalités. Et ces derniers jours se sont accusés mutuellement de se préparer à la guerre.
Le gouvernement fédéral veut des pourparlers immédiats sans précondition, sous l'égide de l'Union africaine (UA). Les rebelles exigent au préalable que soient rétablis l'électricité, les télécommunications et les services bancaires dont le Tigré est privé, et rejettent la médiation du Haut-représentant de l'UA, Olusegun Obasanjo.
Dans une lettre publiée mercredi, le chef des autorités rebelles du Tigré, Debretsion Gebremichael, a reconnu que "deux séries de discussions directes" avaient eu lieu avec des responsables civils et militaires du gouvernement éthiopien, des contacts directs que les rebelles tigréens avaient jusqu'ici toujours fermement démentis. Il a accusé le gouvernement éthiopien de ne pas avoir respecté des engagements pris à ces occasions.
Catastrophe humanitaire
"Pendant qu'une partie trace une feuille de route pour la paix, l'autre partie déclare la guerre. Pendant que le gouvernement explore toutes les options pour consolider la trêve", les rebelles tigréens "travaillent activement à sa fin", a souligné de son côté le comité chargé par le Premier ministre Abiy Ahmed de préparer des négociations.
Ces nouveaux combats "vont encore aggraver la situation humanitaire catastrophique" dans le nord de l'Ethiopie, s'est également alarmée la ministre britannique de l'Afrique, Vicky Ford.
La trêve conclue fin mars avait permis notamment la reprise progressive de l'acheminement de l'aide humanitaire par la route vers le Tigré, plongé dans des conditions proches de la famine par le conflit.
La guerre a commencé en novembre 2020, quand le Premier ministre Abiy Ahmed a envoyé l'armée au Tigré déloger les autorités régionales, les accusant d'avoir attaqué des bases militaires après avoir contesté son autorité durant des mois. Après avoir initialement battu en retraite, les rebelles tigréens ont repris le contrôle de l'essentiel de la région lors d'une contre-offensive mi-2021, au cours de laquelle ils sont entrés en Amhara et Afar.