Comme un symbole, le coach et sa star sont descendus tous deux les premiers, avec la Coupe, de l'avion qui les ramenait à Lisbonne lundi en milieu de journée.
. Santos le philosophe
Il l'avait dit. Le sélectionneur avait prévenu dès le début de l'Euro-2016 que les Portugais venaient pour gagner, jetant la prudence des dizaines d'années passées où il était plutôt question d'aller le plus loin possible.
En interne, les joueurs ont été boostés par ce discours. Fernando Santos, très croyant, qui a remercié Dieu dans un petit message préliminaire avant sa conférence de presse de vainqueur, dimanche soir, n'a jamais changé de ton.
La veille de la finale, il disait encore qu'il pensait la remporter, et peu importe le style de jeu. "Ça me plairait qu'ils disent qu'on a gagné de manière imméritée", lançait-il à l'adresse de la presse, critique sur l'austérité de son football.
Mais Santos n'est pas qu'un "coach mental", il a aussi brillé tactiquement. Il s'est adapté aux caractéristiques de ses joueurs, a choisi un système défensif mais sans dogmatisme. La finale a basculé sur un de ses choix offensifs, l'entrée d'un attaquant, Eder, "pour essayer de garder cette présence devant la défense française", a-t-il expliqué.
Eder, pas toujours titulaire à Lille, a marqué le but du titre, et il était un choix fort de Santos, qui avait insisté pour le prendre dans sa liste, malgré la modestie de son pedigree. Il avait besoin d'un avant-centre pur au milieu de sa collection d'ailiers (Nani, Quaresma et CR7), même si l'idole a occupé ce rôle le plus souvent, différent de son poste au Real Madrid, plus excentré.
. Ronaldo et le goût de la victoire
L'étoile du Portugal est bien sûr l'autre grande influence de la transformation des losers romantiques portugais en vainqueurs pragmatiques.
Le capitaine Cristiano Ronaldo, qui a tant gagné lui-même, a lui aussi tenu le discours de "winner" de Santos.
Le sélectionneur n'a pas oublié de "remercier" CR7, "un grand soutien pour motiver nos joueurs", du "banc et dans le vestiaire", a-t-il affirmé.
Le Madrilène avait porté son équipe jusqu'à cette finale, mais a dû l'abandonner, en pleurs, à cause d'une blessure au genou après un choc violent avec Dimitri Payet.
Mais il a joué un rôle d'entraîneur-adjoint sur le banc, parlant aux joueurs, les motivant, donnant des conseils. Il a même dit à Eder qu'il allait marquer...
Et c'est lui qui a levé la coupe. Elle dore son immense palmarès, couronné dans six mois d'un quatrième Ballon d'Or qui ne peut plus lui échapper. Il a contribué à déniaiser ses coéquipiers et leur apprendre le goût de la victoire.
. De 1966 à 2012, des années à pleurer
Car jusqu'à ce jour de gloire les Portugais avaient surtout leurs yeux pour pleurer. La génération Eusebio, le premier Ballon d'Or portugais (1965), avait calé en demi-finales contre l'Angleterre (2-1) pour la première participation lusitanienne à la Coupe du monde (1966).
La deuxième apparition dans un dernier carré avait déjà eu lieu en France, à l'Euro-1984, mais l'équipe de Fernando Chalana avait cédé dans les cinq dernières minutes de la prolongation (3-2 a.p.), alors qu'elle tenait son ticket pour la finale.
Le Portugal a encore vécu une fin déchirante à l'Euro-2000, perdant à nouveau une demi-finale contre la France à la toute fin de la prolongation (1-0 b.e.o.). La main sifflée contre Abel Xavier, coûtant le penalty fatal, a longtemps symbolisé la malédiction. L'incapacité à gagner dans les grands moments a culminé avec l'Euro-2004 à domicile, où le Portugal laisse filer l'occasion rêvée en perdant la finale à Lisbonne contre la Grèce (1-0).
Deux ans plus tard, la "lose" colle aux crampons des Rouges, qui perdent la demi-finale du Mondial contre la France (1-0), encore une fois, après avoir pourtant dominé.
Les années Luis Figo, les plus riches en talent, plus que cette équipe 2016 par exemple, ne rapportèrent rien non plus au Portugal.
Enfin il y a quatre ans, à l'Euro-2012, l'aventure s'arrêta en demi-finale contre l'Espagne (0-0, 4-2 t.a.b.), sur l'immense frustration de Cristiano Ronaldo, qui n'a même pas pu tenter le cinquième tir au but, lui qui rêvait du rôle de héros. Comme lors de la finale de la dernière Ligue des champions où il a marqué celui de la victoire du Real contre l'Atletico de Madrid (1-1, 5-3 t.a.b.).
Cet été, ni lui ni Fernando Santos ne se sont trompés. Les sources de larmes qui coulaient depuis 1966 viennent de se tarir.
Avec AFP