"Il ne s'agit pas d'un procès politique mais d'une procédure pénale d'une ampleur particulière", a souligné le juge Jürgen Hettich en délivrant le verdict, après quatre ans d'un procès conduit à 6.000 kilomètres de distance des crimes reprochés aux deux condamnés.
Président et vice-président des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni ont été condamnés respectivement à 13 ans et 8 ans de prison par la cour de Stuttgart (sud-ouest) devant laquelle ils comparaissaient depuis le 4 mai 2011.
Les peines sont cependant inférieures aux réquisitions contre les deux hommes, arrêtés en Allemagne en 2009 où ils vivaient depuis 20 ans. Le procureur avait réclamé respectivement la perpétuité, sans libération conditionnelle automatique au bout de 15 ans, et 12 ans d'emprisonnement.
Les deux accusés, âgés de 51 et 54 ans, devaient initialement répondre de 26 crimes contre l'humanité et 39 crimes de guerre, commis en 2009, ainsi que de "la direction d'une entreprise terroriste à l'étranger".
Mais la cour avait finalement abandonné les trois quarts des accusations pour se concentrer sur les meurtres, expliquant ne pas vouloir mettre en péril les enfants-soldats recrutés de force et les femmes violées.
- Un procès difficile -
Le procès a été marqué par des problèmes de traduction, des pressions sur les témoins et de grandes difficultés de preuves, d'autant qu'il s'est heurté "à l'éloignement géographique, la gravité et la nature collective des massacres", selon le professeur Andrej Umansky, spécialiste de droit pénal à l'université de Cologne (ouest).
Le juge Hettich a d'ailleurs souligné que la procédure avait menacé à plusieurs reprises "de s'écrouler".
Réagissant au verdict, Julien Paluku, le gouverneur du Nord-Kivu, province de l'Est congolais où sévissent encore les FDLR, a souligné que le verdict satisfait "l'ensemble de la population du Nord-Kivu". Mais "d'autres criminels qui circulent encore devront subir le même sort", selon lui.
"Je pense ici aux autres FDLR", dont la traque est bloquée par un différend entre l'armée congolaise et la Mission de l'ONU (Monusco), et "au noyau du CNDP et du M23", deux rébellions tutsi congolaises aujourd'hui défaites mais dont les chefs se sont exilés en Ouganda et au Rwanda, a ajouté M. Paluku.
Géraldine Mattioli-Zeltner, de l'organisation Human Rights Watch, a de son côté appelé l'Allemagne "et les autres pays ayant les lois le permettant" à "continuer de poursuivre les atrocités commises en dehors de leurs frontières, particulièrement quand la justice n'est pas possible sur les lieux des crimes".
Un porte-parole des FDLR en RDC, La Forge fils Bazeye, a en revanche fustigé "une injustice pure et simple avec pour objectif d'étouffer l'opposition armée contre le dictateur rwandais", faisant référence au président Paul Kagame.
- Une procédure saluée par l'ONU -
Dénonçant une "justice de vainqueurs", la défense avait plaidé l'acquittement et n'avait cessé de contester l'influence des accusés sur la chaîne de commandement supposée des FDLR. Plusieurs rapports d'experts désignaient Ignace Murwanashyaka comme le chef de l'organisation depuis fin 2001 et sous le nom de code "Mihigo".
Recherché par Kigali et objet de sanctions des Nations unies depuis 2005, il a fait sa vie en Allemagne après ses études, tout comme Straton Musoni.
Avant l'ouverture du procès, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait salué le fait que l'Allemagne ait entendu les "appels répétés" de l'organisation et traduise enfin les chefs des FDLR en justice.
Fin 2014, trois Allemands d'origine rwandaise avaient été condamnés à des peines de 4 à 2 ans de prison ferme pour appartenance ou soutien aux FDLR.
C'est également l'an dernier qu'une cour allemande avait condamné pour la première fois un maire rwandais pour "complicité" dans le génocide qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts au Rwanda entre avril et juillet 1994.
Avec AFP