Originaire du Nigeria, le père Athanasius Chidi Abanulo, qui exerce dans les zones rurales de l'Alabama, détermine la durée de ses homélies dominicales en fonction des personnes assises sur les bancs.
Sept minutes, c'est la durée idéale pour les paroissiens, pour la plupart blancs et retraités, qui assistent à la messe en anglais de l'église catholique Immaculée Conception, dans la petite ville de Weedowe.
Pour la messe en espagnol, une heure plus tard, le prêtre sait qu'il peut quadrupler son temps d'enseignement. "Plus vous prêchez, mieux c'est pour eux", dit-il.
En passant d'un poste américain à l'autre, le curé a appris à adapter son ministère à la culture des communautés qu'il sert tout en insufflant un peu de l'esprit de son Nigeria natal dans les rythmes universels de la messe.
"Les Nigérians sont détendus quand ils viennent à l'église", dit-il. "Ils aiment chanter, ils aiment danser. La liturgie peut durer deux heures. Ils ne s'inquiètent pas de cela".
Au cours de ses 18 années passées aux États-Unis, le père Abanulo a occupé divers postes d'aumônier et de pasteur à travers les États-Unis.
Son parcours illustre une tendance de plus en plus évidente au sein de l'Église catholique américaine: comme de moins en moins d'hommes et de femmes nés aux États-Unis entrent dans les séminaires et les couvents, les diocèses et les institutions catholiques des États-Unis se sont tournés vers l'étranger pour combler leurs postes vacants.
Curé itinérant en demande
Le diocèse de Birmingham, où le père Abanulo dirige deux paroisses, a élargi sa recherche de clergé à des endroits où les vocations religieuses sont en plein essor, comme le Nigeria et le Cameroun, affirme l'évêque de Birmingham, Steven Raica.
Les prêtres originaires d'Afrique ont également joué un rôle essentiel dans le diocèse du Michigan où l'évêque Raica était précédemment en poste.
"Ils nous ont énormément aidés à assurer l'ampleur et la portée du ministère dont nous disposons", dit-t-il.
L'Afrique est la région où l'Église catholique connaît la plus forte croissance.
La situation est différente aux États-Unis, où l'Église catholique est confrontée à d'importants obstacles pour recruter des natifs après des décennies de baisse de la fréquentation des églises et les effets néfastes des scandales d'abus sexuels commis par le clergé.
Les femmes et les hommes mariés catholiques n'ont toujours pas accès à la prêtrise ; les arguments selon lesquels la levée de ces interdictions atténuerait la pénurie de prêtres n'ont pas convaincu les hauts responsables de l'Église.
De 1970 à 2020, le nombre de prêtres aux États-Unis a chuté de 60 %, selon les données du centre de Georgetown. Cela a laissé plus de 3 500 paroisses sans curé.
Le père Athanasius Chidi Abanulo supervise deux paroisses dans l'Alabama rural.
Son dimanche typique commence par une messe en anglais à la Holy Family Catholic Church de Lanett, à environ 200 kilomètres de Birmingham, le long de la frontière entre l'Alabama et la Géorgie. Ensuite, il est conduit à une heure au nord de Wedowee, où il célèbre une messe en anglais et une autre en espagnol.
Pour Amber Moosman, une paroissienne de Holy Family depuis 1988, le style de prédication du père Abanulo est très différent de celui des prêtres qu'elle a vus auparavant. "Il n'y avait pas de prêtre qui chantait tout d'un coup, rien de tout cela... C'était très calme, très cérémonieux, très strict", dit-elle. "C'est très différent maintenant".
Abanulo a été ordonné au Nigeria en 1990 et est arrivé aux États-Unis en 2003 après un séjour au Tchad. Son premier poste aux États-Unis a été dans le diocèse d'Oakland, en Californie, où son ministère s'est concentré sur la communauté catholique nigériane en pleine expansion. Depuis, il a été aumônier d'hôpital et pasteur à Nashville, dans le Tennessee, et aumônier à l'université d'Alabama.
Les nonnes américaines, une espèce en voie de disparition
Dans le contexte de la pénurie de clergé aux États-Unis, ce sont les religieuses qui ont connu le plus fort déclin, avec une baisse de 75 % depuis 1970, selon le centre de l'université Georgetown, fondée par des jésuites.
Lorsque la nonne zimbabwéenne Maria Sheri Rukwishuro a appris qu'elle était mutée dans l'État américain de Virginie occidentale pour y travailler comme missionnaire, elle a demandé à sa mère supérieure : "C'est où, la Virginie occidentale ?".
Elle avait peur, s'inquiétant de l'inconnu.
"Quel genre de personnes vais-je rencontrer ? Je ne suis qu'une religieuse noire qui arrive dans un pays blanc", a déclaré Rukwishuro à l'Associated Press depuis Clarksburg, en Virginie occidentale, où elle enseigne l'éducation religieuse aux élèves des écoles publiques et catholiques depuis son arrivée en 2004.
Elle relate que la plupart des gens ont été très accueillants. Elle est désormais citoyenne américaine et dit : "Je me sens comme chez moi".
L'un de ses premiers chocs culturels a été une chute de neige pendant la nuit. "J'ai vraiment crié. Je pensais que c'était la fin du monde", dit-elle. "Maintenant, j'adore ça. Je fais mes méditations en fonction de cela".
Chocs culturels intenses
Au cours de leur intégration dans la vie américaine, il est courant que les membres du clergé nouvellement arrivés soient confrontés à des chocs culturels.
Pour sœur Christiana Onyewuche, originaire du Nigeria, aumônier d'hôpital à Boston où elle administrait les derniers sacrements aux mourants, le plus grand choc, c'était la crémation. Elle se souvient avoir pensé : "Vraiment ? ... Comment peuvent-ils brûler quelqu'un ? Je ne peux même pas l'imaginer".
Arrivée aux États-Unis il y a 18 ans, elle était auparavant présidente de l'African Conference of Catholic Clergy and Religious, un groupe de soutien pour les missionnaires africains en poste aux États-Unis.
Le père Athanasius Chidi Abanulo se souvient aussi de ses premiers jours en Alabama.
"Les gens me disaient : 'Mon père, n'allez pas là-bas. Les gens là-bas sont des ploucs' ", relate-t-il.
Mais après un an, et un accueil chaleureux, il dit qu'il dit maintenant à ses amis, "Il n'y a pas de ploucs ici. Je ne vois que des âmes pour Jésus".