Pour la finance mondiale, l'Histoire bégayait mercredi. Comme en juin où les investisseurs s'étaient couchés confiants avant le référendum britannique et s'étaient réveillés avec un Brexit, ils ont rêvé cette nuit d'Hillary Clinton présidente pour découvrir ce matin que ce sera Donald Trump.
Mais si les places financières s'ajustaient logiquement à un résultat qu'elles n'avaient pas anticipé, l'effroi n'était pas de mise et la réaction était nettement moins marquée qu'après le scrutin britannique.
Exemple symbolique s'il en est, la Bourse de Londres s'est même offert le luxe de repasser brièvement dans le vert en milieu de matinée. Vers 12H30 (11H30 GMT) elle refluait de 0,62%.
"Pendant la nuit, les marchés ont plus fortement accusé le coup mais une fois la stupeur passée, le fait qu'Hillary Clinton ne conteste pas la victoire et que le premier discours de Donald Trump soit perçu comme davantage fédérateur que diviseur a aidé les investisseurs à ne pas basculer dans la panique comme après le vote en faveur du Brexit", explique à l'AFP Alain Zeitouni, directeur des gestions pour Russell Investments France, basé à Londres.
"Il faut absorber le choc de la surprise, ce qui a été fait dans les premiers échanges. L'Asie a absorbé le plus gros du choc, et désormais les marchés européens se reprennent un peu", souligne aussi auprès de l'AFP Jean-Louis Mourier, un économiste du courtier Aurel BGC.
"La réaction des marchés est temporaire et est une réaction naturelle à une victoire surprise", a commenté Giuseppe Recchi, président exécutif de Telecom Italia.
La Bourse suisse était toujours en hausse, entraînée par un rebond des valeurs pharmaceutiques, soutenues par la défaite d'Hillary Clinton dont le discours sur une baisse des prix des médicaments avait inquiété le secteur.
A la Bourse de Paris, le recul était de 1,53% contre 2,83% au démarrage. Au même moment le jour de l'annonce du vote en faveur du Brexit la cote parisienne perdait plus de 8%.
Francfort perdait de son côté 1,27% contre 2,87% à l'ouverture.
Le mouvement de repli vers le refuge traditionnel des marchés obligataires, observé à l'ouverture du marché européen se tassait également.
A la City de Londres, coeur de la finance européenne, l'ambiance n'en était pas moins sombre. "Maintenant que Trump est élu, je ne sais pas quel sera le prochain désastre", lâchait John, un travailleur de la City interrogé par l'AFP, sous couvert d'anonymat.
- Le peso dans les limbes, l'or prisé -
Les marchés asiatiques avaient pour leur part davantage souffert. A la Bourse de Tokyo, l'indice vedette Nikkei, pourtant confiant en début de matinée, a chuté de 5,36%. Sydney a fini en recul de près de 2% et Hong Kong de 2,20%.
Même fébrilité du côté des devises: l'euro grimpait à 1,1101 dollar contre 1,1020 dollar mardi.
Mais c'est la monnaie mexicaine, baromètre de l'opinion des marchés ces dernières semaines sur l'issue du scrutin américain, qui a dévissé le plus, tombant en fin de matinée à Tokyo à 20,7818 pesos pour un dollar, son plus bas niveau historique, contre 18,1634 pesos un peu plus tôt, soit une amplitude de 14%. Vers 12H40 (11H40 GMT), il s'établissait à 19,919 pesos.
Le Mexique redoutait un succès de Donald Trump, du fait des menaces du milliardaire notamment de renégocier les accords de libre-échange.
- Le jour d'après -
Maintenant, "le marché va surveiller avec beaucoup d'attention la manière dont il va mettre en place sa politique", relève auprès de l'AFP, Alexandre Baradez, un analyste de IG France. Il y aura donc certainement une "phase d'attente et d'observation qui va suivre sur le programme et les réactions mondiales".
"C'est une étrange journée, politiquement et financièrement. Nous avons enduré des chocs politiques massifs, mais les marchés se demandent si le président Trump sera autant une menace pour l'économie américaine quand il sera en poste que ce qu'il a été pendant sa campagne", observe aussi Kathleen Brooks, directrice de la recherche de City Index.
Si le programme annoncé par Donald Trump pendant la campagne se concrétise, "les changements économiques risquent d'être radicaux", estime Alain Zeitouni.
Mais parallèlement Donald Trump "vient du monde des affaires, il connaît l'importance de la croissance économique et en outre avec une Chambre des Représentants et un Sénat républicain, il a la voie libre", complète-t-il.
Mais pour le moment, ajoute-t-il, la difficulté pour les marchés est que "cette victoire pose beaucoup plus de questions qu'elle n'apporte de réponses".
Avec AFP