La nouvelle que le milliardaire Femi Otedola, patron de la compagnie pétrolière Forte Oil, venait d'ouvrir un compte, s'est répandue comme une traînée de poudre.
"Les réseaux sociaux ne sont pas vraiment mon Fort(e) mais j'apprends vite", écrit-il dans un jeu de mots, signant même ses tweets "Ote $".
Mais en l'espace de quelques heures, de nombreux comptes utilisant son identité sont apparus en ligne.
Difficile de distinguer le vrai du faux pour les utilisateurs non avertis, car Twitter a suspendu les petites vignettes bleues permettant d'authentifier un compte en novembre 2017.
Otedola a même dû démentir des informations publiées dans les médias sur la base de tweets postés par un de ces faux profils qui avait réussi à cumuler 8.000 abonnés.
Le "vrai" Otedola avait ainsi annoncé l'attribution à de jeunes entrepreneurs de 10 millions de nairas (24.000 euros) en partenariat avec la fondation de l'homme d'affaires nigérian Tony Elumelu.
L'annonce a ensuite été reprise par l'imposteur, demandant aux bénéficiaires d'envoyer leurs coordonnées personnelles à un certain "PA".
La Fondation Elumelu s'est elle-même fait piéger, répondant aux tweets de l'imposteur, lui donnant involontairement une crédibilité.
'419'
Le Nigeria est réputé dans le monde entier pour l'ampleur de la corruption et pour les escroqueries en ligne dites "419", du numéro de l'article du code pénal sanctionnant la fraude.
Les comptes usurpés de célébrités et de politiciens sur les réseaux sociaux sont un peu les "Yahoo boys" modernes - les escrocs qui traditionnellement envoyaient des courriels pour récolter de l'argent sous de faux prétextes à des donateurs naïfs.
Tolu Ogunlesi, conseiller médias du président Muhammadu Buhari, a déclaré que le gouvernement a signalé "des centaines" de faux comptes aux entreprises technologiques depuis 2015.
"Nous avons notamment eu des personnes se faisant passer pour le ministre des Finances sur Facebook. Elles utilisaient ce compte pour escroquer financièrement des gens", a-t-il dit à l'AFP. "C'est une arnaque courante qui consiste à demander aux gens de payer une somme d'argent en échange d'un travail."
Avant la fin de l'année, le gouvernement devrait publier une liste de pages officielles des élus nigérians, a-t-il ajouté.
Mais selon Tolu Ogunlesi, la désinformation en ligne risque d'augmenter encore à l'approche des élections générales prévues en février 2019. La présidentielle opposera notamment le président actuel à l'ancien vice-président Atiku Abubakar.
'Malfaiteurs'
L'équipe de campagne d'Abubakar a également dû se démarquer publiquement des comptes créés en son nom sur Facebook, "likés" par des dizaines de milliers de personnes.
Certains diffusaient des messages encourageant ses partisans à partager sur la toile des slogans en faveur du candidat contre de l’argent.
Un compte a récemment annoncé sur Twitter et Facebook qu'Atiku Abubakar avait reçu le soutien d'un groupe de défense des droits LGBT. Mais rien ne prouve qu'une telle organisation existe au Nigeria.
Un certain nombre de journaux nigérians, citant un responsable dont l'AFP n'a trouvé aucune trace d'intervention antérieure dans le débat public, ont toutefois repris cette information.
De nombreux groupes de soutien nigérians fondés sur l'appartenance ethnique, le sexe ou la religion sont souvent créés de toute pièce uniquement pour nuire à ses rivaux en politique ou dans les affaires.
Or, afficher le soutien d'un groupe LGBT est généralement mal vu au Nigeria, où les relations homosexuelles sont interdites et les conservateurs religieux de tous bords hostiles aux droits de ces minorités.
"Quiconque l'a posté l'a fait pour faire réagir un public typiquement conservateur", a déclaré Segun Showunmi, un collaborateur d'Abubakar. "Ces malfaiteurs (...) tentent de semer le trouble, car la réglementation sur les réseaux sociaux n'est pas encore très stricte."
Les algorithmes régissant les réseaux sociaux peuvent également être trompés par de faux sites d'actualité délibérément conçus pour ressembler aux vrais et les font apparaître malencontreusement dans les pages de "suggestions" aux internautes.
L'an dernier, quand Buhari était à Londres pour se faire soigner d'une maladie grave non révélée au public, des sites imitant la chaîne américaine Fox News ou le journal londonien Metro ont annoncé sa mort.
Avec AFP