En Australie, la police fédérale a reçu plus de 21.000 signalements d'abus sexuels sur des enfants au cours des 12 mois courant jusqu'à fin juin, soit plus de 7.000 de plus que l'année précédente.
Début novembre, elle a annoncé avoir arrêté 14 hommes suspectés d'avoir produit et partagé des contenus montrant des abus sexuels, et identifié 46 victimes, dont 16 venant d'une garderie.
Les enquêteurs ont même "vu des forums spécifiques pour discuter des opportunités qui se présentent pendant le Covid", l'un d'entre eux comptant plus de 1.000 membres, relève Paula Hudson, enquêtrice de la police fédérale australienne.
"Les confinements liés au Covid-19 ont créé un cocktail explosif propice à une hausse de l'exploitation sexuelle des enfants en ligne", constate à Manille John Tanagho de l'ONG International Justice Mission (IJM) qui combat les trafics sexuels.
Le gouvernement philippin a enregistré un bond de 260% des signalements de contenus liés à des abus sur des enfants de mars à mai, période de confinement strict dans le pays, indique l'Unicef.
-les parents pédophiles-
Dans certains pays en développement où des familles bloquées à la maison ont perdu emploi et revenus, des enfants sont exploités par leurs propres parents qui diffusent des images en direct pour des prédateurs, souvent avec un simple smartphone.
Mellanie Olano, travailleuse sociale pour l'ONG IMJ aux Philippines, a participé à plusieurs opérations pour secourir ces enfants.
Les enfants victimes sont souvent en état d'alerte. Ils souffrent de problèmes de sommeil, peuvent difficilement se concentrer ou contrôler leurs sentiments, explique-t-elle, précisant que la plupart des auteurs des abus sont les parents.
-"La pointe de l'iceberg"-
En Indonésie, environ 20% des jeunes disent avoir vu des comportements prédateurs en ligne, selon une enquête du réseau Ecpat qui lutte contre l'exploitation sexuelle des mineurs.
La police de Java a découvert un groupe sur la messagerie Line qui proposait des "shows dénudés" en direct avec plusieurs mineurs. Ce groupe a vu le nombre de ses membres tripler pendant la pandémie.
"Les parents doivent être encore plus attentifs aux activités en ligne de leurs enfants car en quelques minutes ils peuvent devenir victimes ou auteurs de crimes sur internet", avertit le commissaire de police indonésien Teuku Rasya Khadafi.
Les pédophiles passent aussi via les plateformes de jeux en ligne, relève Glen Hulley, ancien policier australien qui travaille pour l'ONG Project Karma.
"Ce que nous avons vu le plus souvent pendant le confinement, ce sont des criminels qui essayent de parler aux enfants dans des applications populaires chez les jeunes, comme des plateformes de jeux avec des messageries intégrées". Ils se font passer pour des jeunes, prétendent être un Youtuber célèbre ou même une star comme Justin Bieber.
En Allemagne, des enquêteurs ont indiqué en juin avoir identifié quelque 30.000 suspects d'un réseau pédophile en ligne "très préoccupant".
A mesure que les activités pédo-criminelles se sont transférées en ligne, la police s'est efforcée de les suivre, et a intensifié sa coopération internationale. "Plus on enquête, plus on progresse et plus on découvre de pédocriminels", dit Paula Hudson.
Toutefois, John Tanagho rappelle l'ampleur du fléau à l'échelle planétaire. "C'est un problème énorme et mondial et on ne voit que la pointe de l'iceberg", note-t-il, en appelant les groupes technologiques à développer des outils pour détecter le streaming d'abus sexuels.