Me Laurent Bayon et Me Emmanuel Altit ont ajouté qu'ils saisiraient la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris "de différentes demandes" car leur client "s'oppose à son transfèrement à Arusha", où il pourrait être jugé par le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI).
Ils ont par ailleurs annoncé qu'ils demanderaient mercredi le renvoi au 27 mai de l'audience au cours de laquelle la validité de ce mandat doit être examinée, ce qui ne peut leur être refusé.
"En programmant dès demain à 14 heures, une audience devant la chambre de l'instruction pour demander le transfèrement de Félicien Kabuga alors que cette audience devrait se tenir dans un délai de 8 jours après la présentation au parquet général, il porte atteinte une nouvelle fois aux droits de la défense", ont-ils estimé.
La défense de M. Kabuga a aussi indiqué qu'elle saisirait en référé le Tribunal judiciaire de Paris des atteintes à l'encontre de ses droits fondamentaux, jugeant inadmissible qu'il ait "été présenté comme un des principaux génocidaires rwandais par un communiqué de presse commun au parquet général et à la gendarmerie nationale diffusé le 16 mai 2020, alors que son procès n'a pas eu lieu".
Trois jours après son arrestation en banlieue parisienne, M. Kabuga, 84 ans, a été transporté à la mi-journée de la prison de la Santé, où il est détenu, jusqu'à la cour d'appel de Paris.
Là, il a été présenté à une avocate générale qui lui a notifié le mandat d'arrêt du MTPI, la structure chargée d'achever les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), selon un communiqué du parquet général.
M. Kabuga est mis en accusation par le MTPI pour, notamment, "génocide", "incitation directe et publique à commettre le génocide" et "crimes contre l'humanité (persécutions et extermination)".
Une fois que M. Kabuga aura comparu devant la chambre de l'instruction, qui doit également statuer sur son maintien en détention, les magistrats auront quinze jours pour émettre un avis, favorable ou non, à sa remise au MTPI.
En cas d'avis favorable, M. Kabuga pourra encore se pourvoir devant la cour de Cassation, qui aura deux mois pour statuer.
M. Kabuga, qui résidait à Asnières-sur-Seine, près de Paris, sous une fausse identité, est notamment accusé d'avoir créé les milices Interahamwe, principaux bras armés du génocide de 1994 qui fit 800.000 morts selon l'ONU.
En 1994, M. Kabuga appartenait au cercle restreint du président rwandais Juvénal Habyarimana dont l'assassinat, le 6 avril 1994, allait déclencher le génocide.
Il présidait la tristement célèbre Radio télévision libre des Mille collines (RTLM), qui diffusa des appels aux meurtres des Tutsi, et le Fonds de défense nationale (FDN) qui collectait "des fonds" destinés à financer la logistique et les armes des miliciens hutu Interahamwe, selon l'acte d'accusation du TPIR.
Cette arrestation "est un rappel que ceux qui sont responsables de génocide peuvent être amenés à rendre des comptes, même 26 ans après leurs crimes", avait commenté samedi le procureur du MTPI, Serge Brammertz, dans un communiqué.