En visite mardi à la Radio-télévision gabonaise (RTG), où l'appel au soulèvement a été lancé lundi à l'aube, le Premier ministre Emmanuel Issoze Ngondet a parlé d'un "acte isolé".
Tandis qu'une source à la présidence a évoqué à titre personnel "un acte d'illuminés", tout en appelant à "attendre les premiers résultats d'enquête" et "ne pas spéculer".
Mardi, au lendemain de la tentative de putsch, le gouvernement a annoncé l'ouverture d'une enquête, après que les militaires arrêtés ont été mis à la disposition de la justice. Le procureur ne s'était pas exprimé mercredi.
Au-delà des réactions officielles, dans les rues de Libreville, où l'activité a repris dès mardi comme si rien ne s'était passé, certains ne veulent pas croire à l'action spontanée.
"Peut-être y a-t-il des hauts gradés derrière cette tentative qui ont abandonné les militaires quand les autorités ont encerclé la radio?", s'interroge un Librevillois sous couvert d'anonymat.
"Quels sont les ressorts cachés de cette entreprise? Qui en sont les véritables commanditaires et quelle est l'étendue des complicités? A qui profite cette situation?", s'interrogeait dès mardi en conférence de presse Alexandre-Barro Chambrier, un des leaders de l'opposition.
-"A qui profite cette situation?"-
Au Gabon, où les intrigues et magouilles financières entre politiciens remplissent régulièrement les pages de la presse, les accusations de "manipulations politiques" reviennent à chaque événement.
Et en l'absence du président Ali Bongo Ondimba, en convalescence au Maroc et absent du pays depuis deux mois et demi, les commentaires sur les tensions internes au pouvoir et présumées velléités d'influence de chacun font jaser.
Il y est notamment question de tensions entre clans, autour d'un côté du directeur de cabinet du président, Brice Laccruche Alihanga, et de l'autre autour du chef des services de renseignement et demi-frère d'Ali, Frédéric Bongo.
La présidence reconnait des "débats" mais aucune "opposition frontale". "Ces débats peuvent être vifs parce que l'enjeu est important. Il peut y avoir des propositions concurrentes, c'est normal", indique la source à la présidence.
"Le contexte gabonais fait que des partisans des uns et des autres peuvent interpréter ce qu'il se passe" mais, ajoute cette source, "tout le premier cercle autour du président est ici avec lui".
- "putsch de témoignage" -
Pour le journaliste Antoine Glaser, spécialiste de l'Afrique, les jeunes militaires ont tenté un "putsch de témoignage". "C'est un putsch qui appelle la société civile à bouger et à s'élever en pensant que le moment est arrivé", a-t-il réagi lundi soir à la télévision France 24.
Membre de la Garde républicaine (GR), le chef du commando putschiste, Kelly Ondo Obiang, a déclaré vouloir lancer une "opération dignité" pour "sauver la démocratie, préserver l'intégrité du territoire national et la cohésion nationale".
Dans son appel au soulèvement, le jeune lieutenant a cité plusieurs personnalités de la société civile, de la diaspora, ainsi que des militaires, pour qu'ils rejoignent le mouvement.
Parmi les personnalités citées, celles qui se sont exprimées publiquement ont récusé une quelconque affiliation aux putschistes.
Dans l'opposition, certains voient dans cet événement une conséquence à la "frustration" de l'élection présidentielle controversée de 2016, quand d'autres le lient à l'état de santé du président Bongo.
Celle-ci est au coeur des débats et les rumeurs de manipulation sont aussi nombreuses, certains parlant de "montage" pour décrire la vidéo de voeux présidentiels de la Saint Sylvestre.
Dans cette première prise de parole publique depuis son hospitalisation le 24 octobre après un accident vasculaire cérébral (AVC), Ali Bongo, 59 ans et dont la famille est au pouvoir depuis 1967, y apparait changé, avec un léger strabisme.
La date de son retour au Gabon n'est pas connue. Un nouveau gouvernement doit être nommé sous peu, après l'élection du nouveau bureau de l'Assemblée nationale, vendredi, indique la présidence.
Avec AFP