"Je suis le doyen ici. Je suis venu dans la rue à l’âge de 17 ans. Aujourd’hui, j’ai 37 ans. J’ai braqué et j’ai même fait la prison. Mais tout ça , c’est du passé". Le témoignage d’Eric Endoum, en pleine reconversion sociale après un passé sombre de jeune délinquant, est tout simplement glaçant. Sa vie parsemée de frasques l’a autrefois exposé à la rigueur de la rue. Mais depuis une dizaine d’années, il s’est offert l’occasion de rebondir.
Le destin d’Eric a croisé d’autres jeunes de sa génération. Ensemble, ils ont mis en place un système de gardiennage de véhicules contre une modique rémunération d’usagers de bonne foi. Ils s’organisent en plein centre-ville de la capitale gabonaise.
"On parque les véhicules. On assure leur sécurité. Nous sommes utiles à la société et on exige qu’on nous respecte. Mais s’il arrive de mauvaises graines parmi nous, nous-mêmes, on s’en occupe avant de les mettre à la disposition de la police", dit-il.
Les difficultés traversées ont servi de leçon à ces jeunes. Lilian Essone veut ouvrir une nouvelle page de sa vie.
"On a des enfants aujourd’hui. On a des charges, et du coup on est obligé d’être là. Ce sont des gens de bonne foi qui nous paient ici. D’autres disent qu’ils paient les taxes. Mais on n'oblige personne de le faire", affirme-t-il
Pas loin de là, Jean de Dieu Anguilet vient d’empocher 500 francs CFA, après avoir aidé un automobiliste à se garer en face du commissariat central de Libreville.
"Par jour tu peux rentrer avec 2.000 (francs CFA) ou 15.000, tout dépend… Une personne de bonne foi peut te remettre 5000", lance-t-il.
L’offre de service de ces jeunes débrouillards séduit et rassure les usagers du secteur administratif de la capitale.
"Ils viennent un peu en appui au travail qui est mené par les forces de police nationale. Avec ce qu’ils font aujourd’hui, y a une fluidité au niveau de la circulation et les véhicules sont bien gardés", assure Apollinaire Moukila, journaliste.
Au Gabon, les statistiques sont encore muettes sur le nombre d’enfants en errance ou en difficulté sociale dans les rues de Libreville. En situation d’abandon, ils disposent de très peu de lieux d’accueil à vocation éducative et sociale et celles qui existent reçoivent très peu d’aide des autorités. Le gouvernement a plutôt fait le choix de développer les centres pour délinquants à dimension pénale.