Dimanche soir, le président Temer avait cédé aux principales revendications des grévistes, annonçant notamment une réduction significative du prix du gazole.
"J'ai l'absolue conviction" que la grève sera terminée "aujourd'hui ou demain (...) et que cela nous apportera une grande sérénité", a affirmé lundi le chef de l'Etat dans un discours lors de l'investiture d'un nouveau ministre à Brasilia.
Toutefois, les marchés financiers étaient toujours inquiets: l'action de la compagnie pétrolière d'Etat Petrobras, a chuté de plus de 14% à la clôture lundi de la bourse qui a cédé 4,5%.
Des routes étaient toujours bloquées dans plus d'une vingtaine des 27 Etats que compte le Brésil et la plupart des stations-service des grandes villes n'avaient toujours pas été ravitaillées. Sans compter une pénurie de produits frais sur les étals, des problèmes d'approvisionnement pour les hôpitaux et la fermeture de plusieurs universités.
"Ce n'est pas que la guerre des camionneurs, c'est la guerre de tout le peuple brésilien!", ont affirmé certains grévistes, réclamant des améliorations des services de santé et d'éducation, ainsi qu'une lutte plus efficace contre les problèmes d'insécurité.
Certains réclament aussi l'intervention de l'armée pour mettre fin à un système politique qu'ils considèrent pourri par la corruption et l'incompétence des dirigeants.
"Nous en avons assez de toute cette corruption. Si plus de gens descendent dans la rue, le gouvernement va tomber, c'est sûr", lance Tango Roxa, vendeur d'électroménagers de 45 ans venu pour montrer sa solidarité envers les grévistes.
Plus lent que prévu
Le chef du gouvernement Eliseu Padilha a reconnu que le retour à la normale était "plus lent que ce que nous espérions".
Il a dénoncé la présence de personnes "infiltrées dans le mouvement (des routiers) avec d'autres objectifs, essentiellement politiques".
Sentiment partagé par José da Fonseca Lopes, président de l'Association brésilienne des camionneurs (Abcam) qui revendique 600.000 routiers indépendants. Il a fustigé la présence de militants réclamant une intervention des militaires pour "faire tomber le gouvernement".
Depuis le début de cette crise, le gouvernement Temer tente d'alterner la carotte et le bâton, mais les décisions successives ne semblent pas avoir de réels effets sur la mobilisation des grévistes.
Jeudi, un premier accord pour une trêve de 15 jours avait été annoncé en échange de plusieurs concessions, mais les barrages n'avaient toujours pas été levés.
Le lendemain, le président Temer avait haussé le ton, faisant appel aux forces de sécurité, y compris l'armée, pour débloquer les routes.
Cette mesure a permis d'atténuer quelque peu les problèmes d'approvisionnement en carburant, des camions-citernes étant escortés depuis les raffineries par des soldats ou des policiers. Mais dès qu'une station-service était ravitaillée, des files d'attente se sont immédiatement formées sur des kilomètres.
En plus des problèmes de carburant, le Brésil est en proie à des pénuries en tous genres, qui affecte tous les secteurs d'activité de cet immense pays sortant à peine d'une récession historique et où 60% du transport de marchandises s'effectue par la route.
Même si les camionneurs levaient effectivement tous les barrages, il faudra des semaines, sinon des mois, pour que les chaînes de production et d'approvisionnement de la principale économie latino-américaine reviennent à la normale.
Gouvernement "vulnérable"
Pour tenter de mettre fin à la grève, le président Temer a annoncé dimanche une baisse significative du prix du gazole, dont le tarif a été gelé sur 60 jours.
Les concessions du gouvernement risquent par ailleurs de coûter cher au contribuable, le gouvernement s'étant engagé à compenser la différence de prix auprès de Petrobras.
À quatre mois de la présidentielle d'octobre, la crédibilité d'un gouvernement déjà fortement impopulaire est plus que jamais remise en cause. Aucun des candidats défendant la politique d'austérité préconisée par le gouvernement actuel ne figure parmi les favoris.
"Les grévistes font face à un gouvernement très fragilisé, vulnérable, qui s'est montré très hésitant. Il a fatalement fini par céder sur toutes les revendications, au dépens du contribuable", a expliqué à l'AFP Carlos Pereira, professeur de sciences politiques de la Fondation Getulio Vargas.
Ce manque de crédibilité est justement pointé du doigt par certains routiers grévistes qui refusent de reprendre le travail.
"Si le gouvernement inspirait confiance, tout serait déjà résolu", a déclaré à l'AFP Alexsandro Viviani, président d'un syndicat de routiers autonomes, qui continuait lundi à bloquer l'accès au port de Santos, le plus grand d'Amérique Latine.
Et la situation risque de s'envenimer dans les prochains jours, un syndicat du secteur pétrolier ayant appelé à une grève de 72 heurs à partir de mercredi.
Avec AFP