Le calme régnait samedi en Guinée, où les violences sont fréquentes lors de la proclamation des résultats électoraux, après l'annonce d'une majorité absolue au premier tour pour M. Condé, même s'il n'a pas encore été officiellement déclaré vainqueur.
Selon les derniers résultats provisoires, proclamés vendredi soir par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Alpha Condé obtenait près de 2,2 millions de voix sur environ 92 % des six millions d'inscrits, un score qui, compte tenu de la participation d'environ 68 %, lui assure une majorité absolue.
Le chef de l'opposition Cellou Dalein Diallo, crédité d'un peu plus d'un million de voix, arrivait loin derrière mais distançait très largement les six autres candidats.
Dénonçant une fois de plus une "mascarade", M. Diallo a annoncé renoncer à saisir la Cour constitutionnelle, institution dont il conteste l'indépendance. Mais il a précisé qu'il appellerait, "le moment venu, les autres candidats et tous les citoyens qui sont les vraies victimes de ce hold-up électoral à organiser, conformément à la loi, des manifestations pacifiques".
"En attendant, je demande à tous les Guinéens de faire preuve de retenue et d'éviter toute forme de violence", a-t-il conclu samedi devant la presse.
Les Guinéens ont voté dans le calme le 11 octobre, mais sous tension, la campagne de M. Condé visant une réélection au premier tour, sous le slogan "un coup KO".
Un objectif jugé par ses adversaires irréalisable sans fraude caractérisée, cinq ans après sa victoire sur le fil au second tour sur Cellou Dalein Diallo.
Le président Condé tablait pour l'emporter sur son bilan: réforme de l'armée et de la justice, achèvement du barrage hydroélectrique de Kaléta, transparence sur l'attribution aux sociétés minières des contrats d'exploitation des précieuses ressources du pays (bauxite, minerai de fer...).
Ses détracteurs l'accusent de mauvaise gestion, lui reprochant notamment son échec face à l'épidémie d'Ebola qui s'est déclarée en décembre 2013 - deux nouveaux cas ont été signalés cette semaine, alors que les pays voisins n'en comptent plus aucun - d'autoritarisme et d'attiser les tensions ethniques.
- 'Stabilité par-dessus tout' -
"Le +coup KO+ est devenu une réalité. Cela ne doit surprendre personne. La vérité est que les Guinéens sont reconnaissants", se félicitait samedi Mory Bakayoko, un informaticien, dans un café de Conakry.
Fatoumata Cissé, une étudiante, était aux anges: "C'est un vote-sanction contre nos opposants, nos anciens Premiers ministres, qui ont passé leur temps à manifester".
En revanche, Marie Bah, la trentaine, se dit "malade" de cette "comédie électorale". "Personne ne peut me dire qu'il n'y a pas de second tour", affirme-t-elle. "Mon souci est que le pays se décrédibilise davantage parce qu'aucun investisseur sérieux ne viendra ici".
Autre partisan de l'opposition, Amadou Tidjane Sow, diplômé sans emploi, estime lui que "ce n'est pas la fin du monde", confiant "qu'une victoire se prépare dans la défaite".
La communauté internationale et les organisations de défense des droits de l'Homme, inquiètes du risque de violences, ont exhorté les candidats à régler leurs litiges en justice et non dans la rue.
Mais cette voie est peu prometteuse pour l'opposition d'autant que "par le passé, les recours judiciaires en matière électorale n'ont rien changé", affirme Vincent Foucher, spécialiste de la Guinée à l'International Crisis Group (ICG).
"Sinon, l'opposition peut manifester, mais c'est prendre le risque de susciter des violences", souligne M. Foucher. "Les acteurs internationaux, qui veulent la stabilité par-dessus tout, ont laissé entendre qu'ils tiendraient l'opposition pour responsable de dérapages éventuels".
"Là où l'opposition ne sait pas bien par quel bout prendre le problème. Le pouvoir, pour sa part, n'a qu'à rester discret et il conservera la supériorité morale", estime-t-il.
M. Diallo a incriminé les taux de participation record annoncés dans les bastions électoraux de M. Condé, favorisés selon lui par une série de décisions de la Céni assouplissant les règles de vote en plein scrutin, ainsi que des inégalités géographiques dans la distribution des cartes d'électeur.
Qualifiant de "mascarade" la cascade de problèmes observés le jour du vote, les sept concurrents du président sortant avaient réclamé dès le lendemain l'annulation du premier tour.
La présidentielle de 2010 et les législatives de 2013 avaient été entachés par des violences et des accusations de fraude.
Ancien opposant, Alpha Condé est le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d'Afrique de l'Ouest, dirigée jusqu'alors par des pouvoirs autoritaires ou dictatoriaux.
Avec AFP