Le jugement a été accueilli dans la salle par des cris de "justice corrompue".
"C'est un procès inique dirigé par des magistrats sous influence de l'exécutif", s'est indigné Mohamed Traoré, l'un des avocats des prévenus. "C'est une manière pour le pouvoir d'intimider la population (et de dire) que quiconque essaie de s'opposer au projet de 3e mandat (du président Alpha Condé) sera jugé et condamné".
Abdourahamane Sanoh, coordinateur du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), a été condamné à un an de prison ferme et quatre autres responsables à six mois ferme. Trois autres prévenus ont été relaxés.
Ils étaient jugés pour avoir causé des troubles graves aux yeux de la justice guinéenne en appelant à manifester et à paralyser l'économie à partir du 14 octobre pour faire obstacle à un éventuel troisième mandat du président Condé en 2020.
Les avocats des prévenus ont dit leur intention de faire appel.
Le procureur avait requis contre sept des huit prévenus la peine maximale de cinq ans de prison ferme, et la relaxe du huitième.
A la suite de l'appel à la mobilisation lancé par le FNDC, Conakry et plusieurs villes guinéennes ont été en proie la semaine dernière à des heurts violents. Au moins huit manifestants (10 selon l'opposition) et un gendarme ont été tués, des dizaines d'autres blessés.
"Nul ne peut être détenu pour avoir organisé ou appelé à une manifestation pacifique. Les leaders du FNDC doivent être libérés immédiatement et sans condition", a réagi François Patuel, chercheur à Amnesty International. "Ces condamnations de leaders de la société civile confirment la volonté des autorités guinéennes d'écraser toute forme de dissidence", a-t-il ajouté.
La contestation a aussi donné lieu à l'arrestation et au procès de dizaines de membres du FNDC et de manifestants à travers le pays. Un tribunal de Mamou, à 300 km de Conakry, a condamné lundi trois personnes à un an de prison avec sursis, 20 à six mois avec sursis et en a relaxé 19.
Les défenseurs des droits humains dénoncent un usage excessif de la force par les services de sécurité, des arrestations arbitraires et une répression visant à faire taire l'opposition.
- Les invectives de Condé -
Le pouvoir dit que le mouvement est illégal faute de déclaration préalable et invoque les risques causés à la sécurité publique pour justifier la répression.
La communauté internationale s'alarme du danger d'une escalade. Ce pays pauvre malgré ses importantes ressources minières, à la stabilité incertaine, est coutumier des protestations et des répressions extrêmement violentes, comme le massacre d'au moins 157 personnes il y a 10 ans dans un stade de Conakry.
Elles étaient rassemblées pour s'opposer à la candidature à la présidentielle du chef de la junte Moussa Dadis Camara, qui dirigeait alors le pays.
L'ONU, la Cédéao, les Etats-Unis, l'Union européenne ou la France ont appelé au dialogue et, de la part des autorités, au respect des libertés.
Mais aucune sortie de crise ne paraît en vue et le FNDC, coalition de partis d'opposition, de syndicats et de membres de la société civile, appelle de nouveau à manifester cette semaine.
Le FNDC entend faire barrage au projet prêté au président Condé de briguer sa propre succession en 2020 et de changer à cette fin la Constitution qui l'empêche de concourir à un troisième mandat. Elle dénonce une dérive de la part de M. Condé, opposant historique dont l'accession au pouvoir en 2010 a marqué l'instauration d'un gouvernement civil après des décennies de régimes militaires et autoritaires.
M. Condé ne confirme ni n'infirme les intentions qu'on lui attribue. Mais en septembre il a lancé des consultations sur la Constitution et, peu après, appelé ses supporteurs guinéens à New York à se préparer à un référendum et des élections.
Le président guinéen avait assuré samedi que la contestation était limitée et accusé ses adversaires de chercher à "semer la pagaille pour décourager les investisseurs". "Quand on accuse les gendarmes de tirer à balle réelle, sachez que ce sont les manifestants eux-mêmes qui tuent des gens pour ensuite faire accuser le gouvernement et ternir l'image du pays", avait-il dit.