Bureaux de vote attaqués, matériel électoral incendié, heurts entre forces de l'ordre et opposants: des violences perturbaient dimanche en Guinée le référendum constitutionnel et les législatives, boycottés par l'opposition qui accuse le président Alpha Condé de se frayer une voie vers un troisième mandat.
Le vote, prévu de 08H00 à 18H00 (GMT et locale), a commencé à l'heure indiquée dans une école du centre-ville de Conakry, près du palais présidentiel, a constaté un journaliste de l'AFP.
Mais à Ratoma (banlieue de Conakry, des partisans de l'opposition ont attaqué des gendarmes devant des bureaux de vote dans une école. Une autre école dans la même zone a été attaquée et le matériel électoral saccagé, en l'absence d'électeurs, selon un journaliste de l'AFP et des témoins.
Des affrontements sont survenus dans des banlieues de Conakry comme Cosa, Hamdallaye, Dar-es-salam et Lambanyi où des jeunes de l'opposition ont attaqué les policiers et les gendarmes sécurisant le vote, selon un journaliste de l'AFP et des témoins.
Les forces de l'ordre, caillassées, pourchassaient ces jeunes et lançaient contre eux des grenades lacrymogènes, selon les mêmes sources. Des tirs ont été entendus dans des endroits de Conakry, selon un journaliste de l'AFP et des témoins.
Des troubles ont également eu lieu à Mamou (centre), à Boké (ouest) et à N'Zérékoré (sud-est), selon des témoins.
Du matériel électoral a également été détruit dans des localités comme Kobéla (sud), Dinguiraye (nord-est) et Konah (nord-est), selon d'autres témoins.
Joints dimanche par l'AFP, des responsables de l'administration territoriale (Intérieur) n'avaient pas réagi.
"J'espère que tout se passera dans la paix et la tranquillité et que le peuple guinéen, comme en 1958, montrera sa maturité", a déclaré, après avoir voté à Conakry, le président Condé, en allusion au non de la Guinée, ex-colonie française, au référendum qui a ouvert la voie à l'indépendance de ce pays ouest-africain. Il n'a pas évoqué les incidents en cours.
Le référendum constitutionnel et les législatives avaient été reportés à la dernière minute il y a trois semaines dans un climat de vives tensions.
C'est surtout la Constitution qui déchaîne les passions. Depuis mi-octobre, des dizaines, voire des centaines de milliers de Guinéens sont descendus dans la rue contre l'intention prêtée à M. Condé d'essayer de se succéder à lui-même fin 2020.
Au moins 31 civils et un gendarme ont été tués. Des dizaines d'opposants ont été arrêtés et jugés. Les brutalités policières sont constamment dénoncées.
M. Condé, 82 ans, a été élu en 2010 et réélu en 2015. L'actuelle Constitution limite à deux le nombre de mandats, la nouvelle que propose M. Condé également.
Mais, accusent ses opposants, elle lui permettrait de remettre son compteur à zéro.
- Fichier électoral -
M. Condé assure qu'il s'agit de doter son pays d'une Constitution "moderne". Elle codifierait l'égalité des sexes, interdirait l'excision et le mariage des mineurs. Elle veillerait à une plus juste répartition des richesses en faveur des jeunes et des pauvres. Mais M. Condé entretient le flou sur sa volonté ou pas de briguer un troisième mandat.
Les remises en cause internationales quant à la crédibilité du vote se sont succédé, étayées par la présence sur les listes électorales de 2,5 millions de noms douteux, soit le tiers du fichier.
Les recommandations des organisations internationales sur le fichier ont été "intégralement prises en compte", a affirmé le président Condé dans un discours publié samedi sur la page Facebook de la présidence guinéenne, promettant des scrutins "transparents".
"On n'a aucune preuve que cette opération (de nettoyage du fichier) a été effectuée", a dit à l'AFP le principal opposant, Cellou Dalein Diallo.
L'opposition avait promis de boycotter le vote et d'en empêcher la tenue. La persistance depuis plusieurs semaines des troubles n'a pas dissuadé le gouvernement d'organiser les scrutins, pas même l'apparition récente du coronavirus.
- Covid-19 -
La Guinée a déclaré deux cas de contamination dont un a été guéri, a annoncé samedi le gouvernement. La présence du Covid-19 suscite l'attention dans un pays où la fièvre Ebola a fait 2.500 morts entre 2013 et 2016.
"J'ai comme l'impression que notre pays prend les choses à la légère", s'émeut Amadou Oury Bah, banquier et homme politique. "Au lieu de donner congé aux enfants pour une période conséquente pour limiter la propagation de cette maladie, les autorités sont plutôt intéressées par leur campagne électorale".
Le parti au pouvoir appelle à aller voter. "Nous insistons sur le strict respect des règles hygiéniques" dimanche, a dit un de ses responsable Fodé Cissé.
Des chefs d'Etat ouest-africains ont annulé leur mission de bons offices au cours de la semaine en Guinée. Avant le vote initialement prévu le 1er mars, deux grandes organisations régionales avaient renoncé à déployer ou avaient rappelé leurs observateurs.