Bloquée depuis plusieurs jours par un mouvement de grogne sociale, la Guyane, qui connaît un fort taux de chômage et une insécurité chronique, fait irruption dans la campagne présidentielle, à quelques semaines du premier tour prévu le 23 avril.
La Guyane et ses 260.000 habitants sont sous la menace d'une paralysie de la vie économique, déjà ralentie depuis jeudi par une quinzaine de barrages routiers. Les établissements scolaires et l'université sont fermés.
Les compagnies Air France et Air Caraïbes ont annulé lundi leurs vols vers la capitale Cayenne. Les blocages ont aussi conduit Arianespace à ajourner le lancement de la fusée Ariane 5, vitrine économique du territoire.
En dépit de l'arrivée d'une mission interministérielle pour "dialoguer", 37 syndicats réunis au sein de l'Union des travailleurs guyanais (UTG) ont voté samedi à la quasi-unanimité en faveur d'une "grève générale illimitée" à partir de lundi.
"La situation est tendue" en Guyane, a reconnu lundi matin la ministre des Outre-mer Ericka Bareigts, en appelant "au calme" et "au dialogue".
"Cette situation, nous la suivons de très près", a souligné la ministre, expliquant ne pas être elle-même sur place, malgré la demande des protestataires, "parce qu'aujourd'hui les conditions du dialogue ne sont pas réunies".
Mme Bareigts a cependant ouvert la porte à un possible prochain déplacement sur place : "Bien sûr que je peux (y) aller. Sauf qu'il faut les conditions du dialogue, les conditions du dialogue serein, républicain, à visage découvert".
Un groupe, baptisé "Les 500 frères" et créé récemment par des citoyens contre "l'insécurité en Guyane", multiplie les coups d'éclat. Ils sont toujours cagoulés.
La ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, avait écourté le 18 mars une visite en Guyane après l'irruption sans violence de ce groupe cagoulé lors d'une conférence organisée par l'ONU pour la protection du milieu marin de la région des Caraïbes réunissant 29 pays.
- 'Violence sous-jacente' -
La mission interministérielle a multiplié dimanche les annonces visant à désamorcer le mouvement social, dont les revendications portent aussi bien sur la question cruciale de la sécurité, sur l'accès aux soins de santé ou l'éducation.
"Les revendications sont éparses et les collectifs ne sont pas d'accord entre eux", note une source gouvernementale.
La mission a annoncé un renforcement des effectifs de police et gendarmerie ainsi qu'une enveloppe d'urgence de 60 millions d'euros pour le centre hospitalier de Cayenne, fortement endetté.
La Guyane est le territoire le plus violent de France, avec 42 homicides en 2016. Les divers financements publics représentent près de 90% du PIB et le chômage concerne plus de 40% des moins de 25 ans.
"Il n'y a pas de perspective d'avenir pour les jeunes, une violence sous-jacente qui ne demande qu'à s'exprimer", a témoigné dimanche Jean, éleveur.
Jugeant le mouvement social "justifié", la ministre socialiste des Outre-mer a mis en cause un "désengagement massif de l'Etat avant 2012", sous la présidence de Nicolas Sarkozy (droite).
Le gouvernement a dénoncé dimanche "l'instrumentalisation à des fins électoralistes" de la crise sociale en Guyane.
Le candidat de droite François Fillon avait notamment jugé que la situation dans le territoire était "la conséquence de l'échec de la politique de François Hollande".
La Guyane avait déjà été paralysée par un important mouvement social fin 2008, à l'appel d'un collectif d'associations de consommateurs et de socio-professionnels contre le prix élevé des carburants. Après onze jours de barrages routiers ayant entraîné la fermeture des écoles, de l'aéroport, et le report d'un tir de fusée Ariane, le prix à la pompe avait été réduit de 50 centimes par litre de carburant.
Avec AFP