A Belfast, capitale de la province britannique d'Irlande du Nord, en première ligne en raison de sa frontière terrestre avec l'Irlande, la vie suit son cours après la rupture historique d'avec l'UE, qui a perdu pour la première fois un Etat membre après 47 ans d'un mariage tumultueux.
"Je suis juste contente qu'ils soient parvenus à un accord, parce la route a été longue et difficile. Commençons à construire notre avenir!", confie la vendeuse quinquagénaire Linda Fodor à l'AFP.
Mais pour les Britanniques vivant à l'étranger, la pilule est plus difficile à avaler. "Aujourd'hui je ne suis pas l'égale de mes voisins français?", questionne Erica Lainé, expatriée en Dordogne depuis 20 ans, déplorant qu'avant "nous étions les mêmes, et maintenant je suis un peu comme une étrangère".
- "Tournant extraordinaire" -
Le Brexit a beau être historique, il n'apporte pas de grand changement concret dans l'immédiat, si ce n'est que le Royaume-Uni ne siège plus dans les institutions européennes, dont il continuera toutefois à suivre les règles jusqu'à la fin d'une période de transition le 31 décembre.
Signe discret de cette mutation, une nouvelle plaque marque le changement de nom de la Représentation britannique auprès de l'UE à Bruxelles, désignation réservée aux pays membres, rebaptisée Mission britannique pour l'UE.
Le premier ambassadeur de l'UE au Royaume-Uni, le Portugais Joao Vale de Almeida, a pris ses fonctions samedi, se disant sur Twitter "impatient (...) de jeter les bases d'une relation solide" entre le Royaume-Uni et l'UE.
Même si l'avenir est encore plein d'incertitude pour les Britanniques, leur Premier ministre Boris Johnson, grand apôtre du Brexit, y voit un nouvel âge d'or pour son pays. "Cette nuit nous avons quitté l'UE - un tournant extraordinaire dans la vie de ce pays. Unifions-nous maintenant et profitons de toutes les opportunités que le Brexit apportera", a-t-il tweeté.
Devant le Parlement britannique à Londres, on s'est embrassé et on a chanté "God Save the Queen" pour savourer l'indépendance retrouvée, trois ans et demi après le vote de 52% des Britanniques en faveur du Brexit.
Malgré les appels à la réconciliation du dirigeant conservateur, le divorce ne met pas fin aux antagonismes dans un pays qui a toujours été divisé vis-à-vis de son appartenance européenne, avant même son adhésion en 1973.
Brandissant des drapeaux bleus écossais estampillés d'étoiles de l'Union européenne, des militants pro-UE se sont rassemblés samedi à Édimbourg, avec le rêve de retrouver un jour le giron européen dans une Écosse indépendante.
"C'est un jour triste pour l'Ecosse d'être traînée de la sorte hors de l'UE" alors que la région avait voté en 2016 à 62% pour y rester, a estimé auprès de l'AFP David Eakins, qui participe à la manifestation et juge "absolument choquant" dêtre ainsi "sorti contre nos convictions".
- "Compétition néfaste" -
Le nouveau chapitre de l'Histoire britannique s'écrira notamment lors de négociations qui s'annoncent complexes sur la future relation avec les 27 en matière commerciale, de sécurité ou de pêche.
Tournant vers des Etats-Unis qui lui tendent les bras? Nouveau concurrent dérégulé aux portes de l'UE? Ou au contraire proximité forte avec des Européens qui restent des partenaires incontournables? Dès lundi, Boris Johnson doit présenter sa vision dans un discours, tandis que le négociateur européen Michel Barnier détaillera ses priorités pour la nouvelle phase de discussions.
Proche du gouvernement conservateur, le quotidien The Telegraph affirme que Londres est prêt à imposer des contrôles douaniers aux produits européens pour ne pas avoir à s'aligner sur les règles communautaires et ainsi conserver toute sa liberté.
"Nous ne pourrons pas laisser une compétition néfaste s'établir entre nous", a d'emblée prévenu le président français Emmanuel Macron dans une lettre aux Britanniques dans le Times. Il se rendra à Londres en juin.
Avant d'éventuels changements tarifaires, Tricia Morgan et son conjoint sont venus de Yeovil (ouest de l'Angleterre) s'approvisionner en alcool moins cher près du port ferry de Calais. "A cause du Brexit, on s'est dit que c'était mieux de venir dès que possible", explique-t-elle à l'AFP. "On reviendra très probablement en décembre pour refaire les stocks".
Londres souhaite conclure un accord en un temps record, avant la fin de l'année, et exclut toute prolongation de la transition au-delà de 2020. Un calendrier jugé très serré à Bruxelles.
"On ne signera pas le 31 décembre à 23H00 un mauvais accord sous prétexte qu'il faut en signer un", a commenté Amélie de Montchalin, la secrétaire d'Etat française aux Affaires européennes, sur la radio France Info, se disant ouverte à une prolongation de la période de transition si nécessaire.