La justice helvète avait confirmé en 2020 une décision du Tribunal arbitral du sport (TAS) validant un règlement de la Fédération internationale d'athlétisme (World Athletics, ex-IAAF). Celui-ci oblige l'athlète hyperandrogène, double championne olympique du 800 m, à prendre un traitement hormonal pour faire baisser son taux de testostérone si elle veut s'aligner sur sa distance fétiche.
Cet arrêt de la CEDH n'invalide toutefois pas le règlement de World Athletics et n'ouvre pas directement la voie à une participation de Semenya sur 800 m sans traitement. "La règlementation actuelle sur les DSD (différences du développement sexuel, NDLR), approuvée par le Conseil de la Fédération internationale en mars 2023, reste en place", a en effet précisé l'instance.
"La Suisse a outrepassé la marge d'appréciation réduite dont elle jouissait dans le cas d'espèce qui portait sur une discrimination fondée sur le sexe et les caractéristiques sexuelles, laquelle ne peut être justifiée que par des +considérations très fortes+", a estimé la cour basée à Strasbourg. "L'enjeu significatif de l'affaire pour la requérante et la marge d'appréciation réduite de l'État défendeur auraient dû se traduire par un contrôle institutionnel et procédural approfondi, dont la requérante n'a pas bénéficié en l'espèce", a-t-elle poursuivi.
Courte majorité
Dans une décision rendue avec une courte majorité de quatre juges contre trois, la CEDH estime ainsi que la Suisse a violé l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, relative à l'interdiction de la discrimination, combiné avec l'article 8, qui protège le droit au respect de la vie privée. En outre, il y a également eu violation de l'article 13 de la convention, relatif au droit à un recours effectif.
"La requérante n'ayant demandé aucune somme au titre d'un dommage matériel ou moral, la Cour n'accorde aucune somme à ce titre. La Cour dit toutefois (4 voix contre 3) que la Suisse doit verser à la requérante 60.000 euros pour frais et dépens", conclut la CEDH.
Caster Semenya présente un excès naturel d'hormones sexuelles mâles. Elle mène depuis plus de dix ans un bras de fer avec la Fédération internationale d'athlétisme.
"World Athletics note la décision d'une chambre très divisée de la CEDH", a réagi la fédération dans un communiqué. "Notre point de vue reste que les règlements relatifs aux DSD sont un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné de protéger une compétition équitable dans la catégorie féminine".
Appel devant la Grande chambre ?
Caster Semenya, à défaut de pouvoir courir sur sa distance préférée du 800 m, avait tenté de se reconvertir sur des distances plus longues comme le 5000 m, initialement non concernées par la règlementation DSD. Mais World Athletics a encore durci son règlement en mars pour les athlètes intersexes comme Caster Semenya, qui doivent désormais maintenir leur taux de testostérone sous le seuil de 2,5 nanomoles par litre pendant 24 mois pour concourir dans la catégorie féminine, peu importe la distance.
"Nous allons nous coordonner avec le gouvernement suisse pour étudier la suite à donner, et étant données les opinions dissidentes dans cette décision, nous allons encourager les autorités suisses à se tourner vers la Grande Chambre" de la CEDH, sa formation suprême qui officie comme une cour d'appel et rend des décisions définitives, poursuit la Fédération internationale.
"Victoire, la CEDH se prononce en faveur de Caster", a de son côté réagi sur Twitter la chercheuse indienne Payoshni Mitra, l'une des responsables du Centre pour le sport et les droits humains, soutien de longue date de Caster Semenya. "C'est énorme. Le monde du sport doit prêter attention à cette décision de référence, de même que les pays d'Europe de l'Ouest où sont basées la plupart des institutions sportives."
L'athlète sud-africaine Caster Semenya a remporté une bataille judiciaire mardi contre la Suisse, devant la Cour européenne des droits de l'homme, qui estime l'athlète de 32 ans victime de discrimination.
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