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Idleb, "prison à ciel ouvert" pour les rebelles syriens


Les Syriens ont été évacués à Rashidin, près d'Idleb, Syrie, le 20 décembre 2016.
Les Syriens ont été évacués à Rashidin, près d'Idleb, Syrie, le 20 décembre 2016.

Evacué d'Alep, Abou Mohammad a rejoint des dizaines de milliers de Syriens réfugiés dans la province voisine d'Idleb, une "prison à ciel ouvert" pour les exilés d'ex-fiefs rebelles, qui pourrait être une prochaine cible du régime syrien.

Quelque 25.000 personnes des quartiers rebelles d'Alep (nord) ont été évacuées de la deuxième ville du pays que le régime de Bachar al-Assad est en passe de reconquérir totalement à la suite d'une campagne de bombardements meurtriers et un siège hermétique.

Après les déplacés de Daraya, Mouadamiyat al-Cham et d'autres bastions insurgés en Syrie, les civils et les rebelles évacués d'Alep n'ont eu d'autre choix que de s'installer dans Idleb (nord-ouest), dernière province contrôlée totalement par les insurgés et leurs alliés jihadistes.

"On ne voulait pas abandonner notre terre, le régime et ses alliés ont utilisé tous les types d'armes possibles pour nous faire partir", lâche Abou Mohammad, trentenaire installé dans un camp de déplacés où une centaine de familles d'Alep ont été transférées.

"Ils nous ont préparé une prison à Idleb, pour nous assiéger et nous bombarder", déplore ce père de quatre enfants.

Ces derniers mois déjà, des dizaines de milliers de personnes ont afflué vers cette province, notamment après avoir fui plusieurs localités rebelles des environs de Damas que le régime a reprises grâce à des accords dits de "réconciliation".

Selon les termes de ces accords, les insurgés et leurs partisans doivent choisir entre se rendre à l'armée ou prendre la route d'Idleb.

Après avoir réprimé violemment des manifestations pacifiques demandant des réformes démocratiques, le régime syrien mène depuis 2011 une guerre sans merci à cette opposition muée en rébellion armée.

"Au total dans la poche d'Idleb, il y aurait un million d'habitants sous contrôle rebelle", estime le géographe Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie. Cette province a accueilli plus de 700.000 déplacés internes selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha).

Explosion des prix

"Le régime veut rassembler les révolutionnaires et les opposants pour pouvoir ensuite les frapper d'un seul coup", craint Nasser Aloush, 49 ans, un riche propriétaire du village de Binnich, qui assure avoir hébergé gratuitement des déplacés dans les immeubles qu'il possède.

L'afflux de centaines de milliers de personnes a eu des conséquences sans précédent pour Idleb: explosion des loyers, mais aussi du prix des denrées alimentaires de base, comme le thé, le sucre, le riz, qui viennent parfois à manquer.

Les combattants peuvent compter sur le soutien de leur faction, qui fournit un logement, des vêtements, de la nourriture, "et parfois de l'argent", explique à l'AFP Abou Zeid, engagé avec un groupe rebelle et débarqué en août de la localité de Daraya, près de Damas.

"Les prix qu'on a vu ici, sont bien plus élevés" que là-bas, explique le jeune homme de 26 ans.

Même constat pour Abou Yazan al-Ramah, un combattant de 30 ans arrivé de Zabadani près de la frontière libanaise en avril.

"La vie ici est assez difficile, avec les prix qui montent, et parfois il y a des pénuries", reconnaît le jeune homme qui a rejoint un groupe rebelle local.

'Comme Gaza'

"La densité de la population a augmenté, donc la demande a suivi", justifie Galal al-Ahmad, un épicier d'Idleb, qui reconnaît que les prix des produits de première nécessité ont explosé.

Le quadragénaire précise que sa marchandise est notamment importée de Turquie voisine ou alors, en dernier recours, des zones du régime. "On doit alors la payer beaucoup plus cher".

Ces derniers mois, le régime a multiplié les signes indiquant qu'Idleb, contrôlée depuis mars 2015 par une coalition dominée les jihadistes du Front Fateh al-Cham, --ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda--, pourrait être sa prochaine cible.

Dès décembre 2015, une source de sécurité à Damas affirmait que l'armée syrienne et les forces russes, engagées aux côtés du régime, menaient des exercices militaires en vue de lancer une offensive sur Idleb.

Et en octobre, le président Bachar al-Assad déclarait qu'il utiliserait une victoire à Alep comme un "tremplin" pour capturer d'autres bastions rebelles, précisant qu'Idleb pourrait être sa prochaine cible.

L'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura a récemment averti qu'Idleb risquait de devenir "la prochaine Alep (...) s'il n'y a pas d'accord politique et de cessez-le-feu" en Syrie.

Alors M. Al-Ahmad s'attend au pire.

"Ce que fait le régime, c'est préparer une prison à ciel ouvert qui peut à tout moment être fermée", martèle l'épicier, avant de lâcher: "On sera alors comme la bande de Gaza et il va commencer à nous éliminer".

Avec AFP

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