Dimanche, des marches de catholiques exigeant l'application d'un accord de sortie de crise - signé le 31 décembre 2016 entre la majorité et l'opposition sous l'égide des évêques - ont été réprimées dans le sang par les forces de sécurité qui avaient quadrillé la capitale et d'autres villes du pays.
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Le bilan de cette répression était au coeur d'une polémique mardi entre la police qui dit qu'"aucune mort" n'a été enregistrée et d'autres sources qui font état de victimes.
"Une douzaine de morts a été répertoriée: 11 à Kinshasa et un à Kananga" dans le centre du pays, a déclaré un porte-parole des organisateurs, Jonas Tshiombela.
L'ONU a de son côté fait état d'une "violente répression" qui a occasionné "la mort d'au moins cinq personnes, plusieurs blessés et l'arrestation de plus de 120 personnes".
Quoi qu'il en soit, les manifestations populaires n'ont jusqu'à présent pas pu ébranler le régime de M. Kabila qui dirige la RDC depuis 2001 après l'assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila. Le mandat du président Kabila, élu en 2006 et réélu en 2011, a expiré depuis le 20 décembre 2016 et la Constitution ne l'autorise pas à se représenter.
La dernière mobilisation d'envergure à l'initiative de l'opposition remonte à juillet 2016, au retour d'Étienne Tshisekedi, le leader historique d'opposition décédé le 1er février 2017 à Bruxelles, à 84 ans.
Depuis, la police et l'armée sont mises à contribution pour stopper net tout mouvement de contestation et les tentatives de manifestations se transforment en "ville morte" dans ce pays de plus de 70 millions d'habitants. Les 19 et 20 septembre 2016, une cinquantaine de personnes ont été tuées lors de la répression d'une manifestation à l'appel de l'opposition.
"Le déploiement impressionnant de la police et de l'armée et du matériel militaire vise à dissuader les téméraires qui voudraient sortir pour manifester", estime Jean-Jacques Wondo, un analyste congolais des questions militaires.
Il ajoute cependant que "cette répression a des limites", d'autant plus que le gouvernement ne dispose pas de moyens suffisants pour "motiver les forces de sécurité dans la durée".
De fait, malgré l'arsenal militaire et la forte présence armée dans les rues de la capitale, les églises catholiques de Kinshasa (plus de 160) étaient bondées dimanche.
Dans certaines paroisses, les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogène à l'intérieur des églises, interrompant des messes. Des enfants de choeurs ont été arrêtés, des prêtres interpellés, d'autres brutalisés ou même blessés.
Le gouvernement s'est défendu en déclarant que les forces de sécurité "pourchassaient des terroristes", selon les termes de son porte-parole Lambert Mende.
Mais cette mobilisation a-t-elle le pouvoir d'infléchir le calendrier officiel qui ne prévoit pas d'élection d'un successeur de M. Kabila avant décembre prochain? L'opposition en tout cas s'interroge sur sa stratégie.
"Nous devons corriger nos erreurs à chaque étape. Face à ces mercenaires (les forces de sécurité, ndlr), il faut venir en masse", a déclaré Vital Kamerhe, chef du troisième parti d'opposition à l'Assemblée nationale.
- 'Pleurer nos morts' -
Ex-allié de poids et directeur de campagne de M. Kabila en 2006, M. Kamerhe a estimé que la présence des prêtres catholiques lors des manifestations de dimanche démontrait que les manifestations contre M. Kabila avaient franchi "une étape supérieure".
"Nous devons donc nous concerter en vue de mettre en place de nouvelles stratégies, dans l'unité", a-t-il dit.
Un avis partagé par le leader du Rassemblement de l'opposition Félix Tshisekedi, le fils d'Étienne : "Face à la barbarie du régime de M. Kabila, nous devons changer de stratégie".
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Pour le moment aucune date n'a été fixée pour une prochaine mobilisation.
"Nous sommes encore à l'étape de pleurer nos morts, soutenir les blessés et chercher à obtenir la libération des détenus", a expliqué Jonas Tshiombela, porte-parole du collectif catholique organisateur des marches de dimanche.
Pour M. Wondo, l'analyste, les forces politiques et sociales qui luttent pour l'alternance politique devraient tenter de sensibiliser les forces de l'ordre sur leur "devoir de républicain, à savoir: protéger la population et non les individus" au pouvoir.
Ancienne colonie belge, la RDC n'a jamais connu de passation pacifique du pouvoir depuis son accession à l'indépendance en 1960. Le pays a été ravagé par deux guerres entre 1996 et 2003.
Avec AFP