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Aux portes de Mossoul, rasoir et chemise cintrée pour fêter la "libération"


Distribution d'aide humanitaire au camp d'Al Khazer près de Hassan Sham, à l'est de Mossoul, en Irak, le 2 novembre 2016.
Distribution d'aide humanitaire au camp d'Al Khazer près de Hassan Sham, à l'est de Mossoul, en Irak, le 2 novembre 2016.

Pendant deux ans et demi, ceux qui prononçaient le mot "Daech" ou évoquaient les jihadistes, "on leur cousait les lèvres". Ceux qui avaient un téléphone étaient "exécutés". Alors aujourd'hui, des habitants d'une localité du nord de l'Irak sont intarissables.

A la porte d'une mosquée de Gogjali, une ville collée à Mossoul, le bastion du groupe Etat islamique (EI), les habitants sortent timidement le nez.

A la vue des troupes irakiennes qui progressent depuis la mi-octobre vers la "capitale" auto-proclamée de l'EI (dont un des acronymes en arabe est Daech), ils s'avancent dans leurs habits neufs revêtus pour la "libération".

Un adolescent, en chemise à carreaux cintrée et pantalon, avoue ne pas avoir porté de tels vêtements depuis l'entrée des hommes du "califat" dans Gogjali.

"Il fallait porter des dichdachas", ces longues robes traditionnelles pour les hommes. "Au-dessus des chevilles, sinon on recevait des coups de fouet".

Son oncle, qui lui aussi refuse de donner son nom parce qu'il a "encore de la famille dans des zones sous le contrôle de l'EI", finit avec délice de se raser, debout sur les marches qui mènent à la mosquée. C'est un soldat des troupes d'élite du contre-terrorisme qui lui a donné sa petite tondeuse électrique grise.

- Comptables de la 'zakat' -

A Gogjali, comme partout où l'EI avait étendu son emprise, ce genre d'instrument était banni, se lamente Abou Ahmed, barbier jusqu'en 2014, année de la prise de Mossoul par les jihadistes qui contrôlaient strictement l'intimité de tous.

"Des fois, alors que je roulais dans mon taxi, ils m'arrêtaient et me disaient: +tu as fumé, on le sait, ouvre la bouche qu'on sente ton haleine+", raconte à l'AFP un sexagénaire barbu, une veste de cuir jetée sur sa dichdacha. Et si souffler dans le nez d'un jihadiste ne suffisait pas à prouver son innocence, "ils examinaient mes doigts pour voir s'ils étaient jaunis par la nicotine".

Le pire, poursuit cet Irakien, c'était d'être à la merci de n'importe quelle dénonciation. Pour avoir été accusé ainsi, il dit avoir passé "62 jours dans les geôles de l'EI" à endurer "les yeux bandés, les coups de fouet et les simulacres d'égorgement". Pour sortir de cet enfer, dit-il, il a dû payer des sommes folles.

"Ils avaient de très nombreux comptables", raconte l'homme qui achève de se raser. Il affirme avoir décidé de fermer son magasin, lassé de devoir payer d'importantes sommes d'argent aux jihadistes, dont la "zakat".

- 'Prison à ciel ouvert' -

Cette aumône que les musulmans doivent verser aux plus pauvres, les jihadistes de Gogjali, venus de "Russie, de Syrie, du Liban, d'Irak et d'ailleurs", selon les habitants, en avait fait un véritable système de racket.

Nombre d'habitants affirment ainsi avoir été mis en prison pour que les jihadistes extorquent à leur famille une caution fixée à 10.000 dollars.

Plus expéditives encore, les condamnations à mort régulièrement prononcées par les jihadistes. "Les gens étaient exécutés en place publique et tout le village était forcé d'y assister", affirme un homme, tandis qu'autour de lui des enfants acquiescent.

"Une fois, une femme a été lapidée et tous ceux qui se retournaient pour ne pas regarder étaient frappés", renchérit un autre. "Des hommes ont été jetés depuis des toits de six ou sept étages, en majorité des anciens membres des forces de sécurité irakiennes", abonde un troisième.

Alors aujourd'hui, à Gogjali, "on ne réalise pas encore ce qui nous arrive". "On sort de la prison à ciel ouvert où on vivait", se réjouit Abou Ahmed.

Autour de lui, des dizaines de femmes intégralement voilées de noir et des hommes à la longue barbe se rassemblent, sortant de chez eux sous des drapeaux blancs malgré les tirs qui retentissent encore. Abou Ahmed regarde autour de lui. Le barbier va pouvoir reprendre du service.

Avec AFP

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