"C'est certainement une défaite pour nous. Avoir perdu Rome et Turin, c'est douloureux", a déclaré Matteo Orfini, président du Parti démocrate (PD), la formation de centre gauche de M. Renzi, dans une interview à La Stampa.
Le Premier ministre est en revanche apparu tout sourire lundi après-midi en recevant le chef Massimo Bottura, dont l'"Osteria Francescana" à Modène a été sacré la semaine dernière meilleur restaurant du monde.
Plutôt qu'un camouflet au gouvernement, les résultats expriment "la soif de changement dans les territoires concernés", a-t-il insisté.
Pour autant, la défaite de son parti n'est pas anodine quand le territoire en question est la capitale du pays et que le candidat que M. Renzi soutenait a été écrasé par Virginia Raggi, une avocate de 37 ans inconnue il y a quelques mois, propulsée étoile montante du M5S.
Sa victoire était attendue, mais l'écart de 35 points entre les deux candidats a surpris. Le M5S a également créé la surprise en détrônant le maire sortant de Turin (nord-ouest), Piero Fassino, 67 ans, vieux cacique du PD, balayé par une autre jeune femme, Chiara Appendino, 31 ans.
"Les contenus et les programmes ne comptent plus : gagne qui est nouveau, pour le simple fait de ne pas appartenir au vieil establishment politique", analyse le politologue Giovanni Orsina dans La Repubblica.
Dans une configuration droite-gauche plus classique, le PD loin de s'effondrer remporte même des succès, comme à Milan, capitale économique du pays, où son candidat Giuseppe Sala l'a emporté avec 51% des voix.
- Mauvais augure -
La déconfiture du PD à Rome et à Turin n'en reste pas moins de très mauvais augure à trois mois du référendum constitutionnel sur lequel M. Renzi a choisi de jouer son avenir en politique.
Il a promis de démissionner en cas d'échec début octobre, ralliant d'un coup tous ses ennemis dans un "Tous contre Renzi", efficace à Rome, où la classe politique a été discréditée par de nombreuses affaires, et à Turin, où le maire sortant n'avait pourtant pas démérité.
M. Renzi, secrétaire général du PD, n'a pas souhaité s'exprimer sur les leçons politiques du scrutin, assurant qu'elles seraient débattues vendredi lors d'une réunion au sein du parti.
"Ces élections démontrent que la narration renzienne consistant à dire -avec moi on gagne- ne résiste pas à l'épreuve des faits", a jugé le sénateur Miguel Gotor, un représentant des "frondeurs" du PD, cette minorité de gauche qui réclame d'être plus écoutée.
Mais pour le politologue Roberto d'Alimonte, le M5S est devenu "le vrai parti de la nation, celui que Renzi voudrait construire. C'est le parti qui prend des voix à droite, à gauche, au centre et aussi en-dehors, celles des gens indécis et furieux".
Le mouvement de Beppe Grillo "représente le second choix aussi bien des électeurs de droite que de gauche". Des ténors de la droite et de l'extrême droite italienne avaient ainsi clairement appelé à voter M5S pour faire barrage au PD, un appui que le mouvement n'a pas réclamé mais s'est bien gardé de rejeter.
Cette somme des mécontentements pourrait pousser M. Renzi vers la sortie lors du référendum d'octobre.
Ces municipales "marquent un changement d'époque, le M5S passe à la vitesse supérieure", s'est réjoui M. Grillo sur son blog en répétant que son mouvement était "la seule alternative de gouvernement valable".
Inclassable et résolument antisystème, le M5S va cependant devoir affronter l'épreuve des faits dans deux villes importantes du pays. "A partir d'aujourd'hui, ce ne sera plus la faute des autres", relève La Repubblica.
A Rome, métropole complexe étouffée par une dette de plus de 12 milliards d'euros, "c'est mission impossible" pour Mme Raggi, prévient le politologue, M. D'Alimonte.
"Bon travail à tous", a lancé M. Renzi non sans perfidie. "Le gouvernement aidera tout le monde à chercher à faire le bien. Et nous irons de l'avant en nous occupant des priorités institutionnelles".
Avec AFP