Car la virtuosité vocale n'était pas le seul point commun entre la défunte "reine de la soul" et l'actrice de "Dreamgirls", qui partagent une série de tragédies personnelles.
Comme le montre le film, l'enfance d'Aretha Franklin a été brisée par le décès de sa mère à l'âge de neuf ans, puis sa grossesse alors qu'elle n'en avait que douze. Elle a ensuite dû échapper à un père autoritaire, un mari violent et une addiction à l'alcool.
Jennifer Hudson, révélée par le télé-crochet "American Idol" et Oscar du meilleur second rôle féminin à seulement 25 ans, a elle aussi connu son lot de douleurs: en 2008, un an seulement après qu'elle eut reçu la statuette, sa mère, son frère et son neveu étaient assassinés par l'ex-époux de sa soeur.
"Il a fallu que je passe par certaines choses dans ma vie pour être capable de l'incarner", a lancé la comédienne à Los Angeles lors d'une projection de presse de "Respect". "Du moins, c'est ainsi que je le ressens à présent", précise-t-elle.
Elle n'avait pas encore subi ces pertes lorsqu'elle avait rencontré Aretha Franklin, son idole, pour discuter du projet de film voici une quinzaine d'années.
Il aura fallu huit ans avant que la chanteuse - qui avait également envisagé d'autres candidates parmi lesquelles Halle Berry - appelle Hudson pour lui annoncer qu'elle avait décroché le rôle.
"Jouer la reine de la soul, on ne peut pas s'y habituer. Je suis encore en train de digérer ça", explique Hudson.
Le choix de cette artiste de 39 ans semble avoir fait mouche, certains lui prédisant déjà des récompenses pour sa performance remarquée même si le film lui-même n'a pas emballé la critique outre mesure.
Contrairement à ce qui se pratique dans la plupart des biopics musicaux, Jennifer Hudson a chanté et enregistré en direct sur le plateau du tournage, enchaînant des tubes aussi célèbres que "I Never Loved a Man (The Way I Love You)", "(You Make Me Feel Like) A Natural Woman" et bien sûr "Respect".
L'artiste a même appris à jouer du piano pour ce rôle, qui la fait passer par 83 changements de tenue et onze perruques différentes, dont la célèbre choucroute d'Aretha.
- "Retranscrire sa douleur" -
Le film retrace vingt années de la vie de la chanteuse, de son enfance à ses neuf premiers albums, dont aucun n'a réellement connu de succès.
Franklin avait été lâchée par sa maison de disques, Columbia Records, avant de trouver enfin sa signature vocale imprégnée de gospel grâce à des sessions dans un petit studio d'enregistrement perdu au fin fond de l'Alabama, durant lesquelles elle est allée puiser dans son passé tourmenté.
"Je pense que c'était sa capacité à retranscrire sa douleur pour des millions d'auditeurs" qui a fait sa légende, analyse la scénariste du film, Tracey Scott Wilson. "Elle a réussi à saisir sa douleur intime et à interpréter toutes sortes de chansons à son sujet, des chansons encourageantes, des chansons sexy-romantiques. Elle a toujours su vivre sa vie à travers sa musique", a-t-elle dit à l'AFP lors de la première organisée à Los Angeles.
"Respect" s'attarde aussi sur le militantisme d'Aretha Franklin et son implication dans le mouvement pour les droits civiques des Noirs américains. Son père était un pasteur influent (joué dans le film par Forest Whitaker) qui comptait Martin Luther King parmi ses amis.
Franklin chantait souvent lors de manifestations et ce fut aussi le cas lors des funérailles de Martin Luther King en 1968.
"Etre dans sa situation à une époque comme celle-là, être une femme noire et aussi proche qu'elle le fut du Dr King; et puis devoir être là pour remonter le moral de tout le monde... imaginez un peu la peine qu'elle devait ressentir dans un tel moment", dit Hudson.
"Trop souvent, les gens oublient que leurs idoles et leurs légendes sont des êtres humains elles aussi", souligne-t-elle.