"Je n'ai jamais vu une gymnaste avec de telles capacités physiques. Simone devait faire des bonds dès sa naissance! Elle a tout: des capacités physiques, un caractère fort et une grande force de travail", poursuit la Bélarusse de 59 ans dans un entretien à l'AFP.
Avec les concours généraux par équipes et individuel de Rio, Biles a glané ses deux premiers sacres olympiques et elle surclasse tellement la concurrence qu'elle s'élance vers trois autres titres (saut, poutre, sol) pour un quintuplé record lors d'une édition des Jeux.
De là à dire que la Texane de 19 ans est la meilleure gymnaste de tous les temps...
"Si on compte les médailles olympiques, elle ne l'est pas", souligne Kim. "Mais je suis sûre qu'avec le temps, elle va en engranger et va s'approcher de (la Soviétique) Larissa Latynina, qui a eu 18 médailles olympiques" dont 9 en or, entre 1956 et 1964.
Des métaux siglés JO, Kim en a elle-même remporté six. Dont cinq fois l'or, comme... Comaneci, et aux mêmes Jeux de 1976 et 1980.
24 heures dans la vie de deux femmes
Biles est certes moins médaillée, mais est-elle meilleure ? Toute comparaison est hasardeuse: l'Américaine ne pourra pas avoir de "10 parfait" après le changement du système de notation en 2006, qui distingue la difficulté proposée et l'exécution réalisée.
Or, ce "10 parfait" est ce qui, outre ses neuf podiums olympiques, a fait de Comaneci LA figure emblématique de la gym, ce jour de 1976 où elle fut la première à l'obtenir dans des JO. Le lendemain, Kim l'imitait. Trop tard, à une journée près: tous les projecteurs s'étaient déjà braqués pour l'éternité sur la première, reléguant la seconde dans son ombre, à vie.
Comaneci a ensuite parfait sa stature mondiale en fuyant la Roumanie de Ceaucescu juste avant la révolution de 1989. Ou quand l'histoire de la gym rencontrait la grande Histoire.
La notoriété de Kim, en revanche, s'effilochait rapidement au fil de la décrépitude de l'URSS. Née au Tadjikistan, élevée au Kazakhstan par un père d'origine coréenne et une mère tatare, devenue citoyenne bélarusse, elle a représenté au plus haut niveau un pays qui n'existe plus.
Unique point commun: les deux femmes se sont installées aux Etats-Unis. Mais sinon, "Nadia" vit sur son image, tandis que "Nellie" a tout fait dans son sport, entraîneur, juge, dirigeante, jusqu'à prendre la présidence du comité technique de la gymnastique artistique féminine au sein de la Fédération internationale (FIG), en 2004.
'Seul le temps dira...'
A Montréal-1976, les deux rivales ne s'étaient pas parlé, car "dans le bloc soviétique, on nous disait de nous concentrer sur ce que nous faisions, de ne pas entrer en contact avec les autres", explique Kim. "Et Nadia n'avait aucune envie de parler à qui que ce soit", s'esclaffe-t-elle, en soulignant aussi la différence d'âge -"elle avait 14 ans et moi 18"-.
"La première fois qu'on s'est parlé, c'était à Moscou-1980, quand on était toutes deux sur le podium pour se partager l'or (ex aequo au sol). On s'est dit: +Tu es fatiguée? Oui, je suis fatiguée. Bon, il est temps qu'on s'arrête+".
Depuis, elles sont en bons termes, avance Kim. "Nous avons beaucoup de respect l'une pour l'autre. Je suis la seule gymnaste étrangère qu'elle ait invitée pour fêter ses 40 ans. Nous avons une très belle relation. Je ne peux pas dire que nous sommes des amies proches, non, mais nous nous parlons".
Présentes toutes deux à Rio, elles ont pris des photos ensemble, en famille.
Et où se trouve la petite dernière sur la photo ? La filiation se fait en filigrane avec Biles, que Kim, étrangement, n'a jamais rencontrée.
Comaneci, elle, a retweeté certains des messages de l'Américaine. Et alors que son règne dure depuis 40 ans, elle prévient: "Seul le temps dira si elle devient la meilleure de tous les temps".
Avec AFP