"Mes origines sont multiples, ce sont celles de la Méditerranée: Italien, Espagnol et Français par ma mère, Algérien par mon père", précise à l'AFP cet éclectique né, encore bouillonnant d'énergie après quatre heures de répétition avec sa troupe.
Croisant influences et rythmes, du classique au contemporain, du cabaret au flamenco, Kader Belarbi a imprimé sa marque sur la compagnie qu'il dirige à Toulouse pour la 10e saison.
"C'est dans la pluralité que l'on trouve une forme de richesse. Ici, j'ai 14 nationalités, sur 34 à 37 danseurs selon les programmations. C'est énorme et c'est ce qui est passionnant (...) On mélange des cultures, des mentalités, des éducations!", s'enthousiasme-t-il.
Né le 18 novembre 1962 à Grenoble, près des Alpes, Abdelkader "Kader" Belarbi a grandi dans différentes villes de France, au hasard des mutations de son père, chasseur-alpin parvenu au grade de colonel, qui battait en brèche les clichés au côté d'une femme "couturière, fantaisiste, à la fibre artistique".
- Du classique au hip hop -
Grâce à l'"ouverture d'esprit" de parents enclins à laisser leur quatre enfants "découvrir leur propre chemin", il enfile ses premiers chaussons à neuf ans.
Sa professeure Lolita Parent repère ses "aptitudes physiques". "Je n'en avais pas du tout conscience", s'amuse Kader Belarbi, séduit par le "côté sportif" de la discipline, la "camaraderie" de ce cours du conservatoire grenoblois, dont il était "le plus jeune" et la "mascotte".
Quelque trois ans plus tard, "mon père s'est fait muter à Paris pour que ma soeur et moi puissions tenter le concours de l'école de danse de l'Opéra". Kader est seul sélectionné, sa soeur ayant dépassé la limite d'âge des 13 ans.
L'"électrochoc absolu" viendra lorsque Rudolf Noureev prend la direction du ballet en 1983. "Il a débarqué avec sa dévotion, son humilité (...) j'ai commencé à découvrir que la danse n'était pas simplement de l'acrobatie."
Etoile à 27 ans, Kader Belarbi dansera les classiques du répertoire, du Lac des cygnes à Casse-Noisette, les ballets de Maurice Béjart et Carolyn Carlson, le hip hop de Farid Berki...
"J'avais un corps académique et plutôt un esprit contemporain", explique rieur cet "anticonformiste, qui ne prend pas toujours ce qu'on lui donne et qui va chercher d'autres choses".
Un art de la fugue qu'admire Jessica Fyfe. "Ses versions sont du merveilleux classique français, mais sont aussi siennes (...) Il réussit à créer des personnes réelles, de vraies émotions", souligne cette Australienne, invitée pour le rôle de Giselle, que le Capitole présente en tournée.
- Démystifier -
Kader Belarbi se régale de touiller la "marmite des danses" et "faire que tous ces danseurs trouvent leur voix". "S'ils viennent ici, c'est qu'il y a une demande de se transformer" par rapport à leur école initiale, "mais j'essaie aussi de conserver ce qui a été appris."
Ce "travail de décantation", il l'applique à ses chorégraphies, se plaisant à "débroussailler les clichés". "La pantomime, si je la garde au XIXe siècle (...) c'est poussiéreux (...) donc je dis au prince: +T'es Marlon Brando en jean et baskets. T'as même une Harley Davidson et quand tu rentres sur scène, tu fonces avec!+"
Son amour des lignes, des formes, des couleurs lui a fait glisser la palette de Brueghel dans Giselle, réinventer Toulouse-Lautrec en réalité virtuelle, inviter des chorégraphes à s'inspirer des rideaux de scène de Picasso.
"Il y a plein de choses que je veux transformer", souligne ce père de trois enfants, pour lequel "l'âge n'a pas d'importance, mais le lieu non plus".
Un défi aux frontières relevé par Natalia de Froberville: "L'art aide les gens à se reconnecter. Il faut oublier la haine et la colère (...) Plus c'est cosmopolite, plus c'est intéressant", estime l'étoile russe du Capitole, formée en Ukraine.