Les manifestants ont de leur côté lancé des pierres sur la police anti-émeute dans ce quartier de la capitale. Les organisateurs de la manifestation avaient prévu de marcher vers State House, le palais présidentiel. À Kibera, le plus grand bidonville de Nairobi, des manifestants ont mis le feu à des pneus, selon des journalistes de l'AFP.
Ce mouvement de protestation contre l'inflation, qui s'est élevée en février sur un an à 9,2% dans le pays d'Afrique de l'Est, avait été interdit dimanche par les autorités. Les Kényans souffrent de la flambée des prix des produits de première nécessité, de la chute brutale du shilling par rapport au dollar américain et d'une sécheresse record qui a plongé des millions de personnes dans la famine.
La police avait reçu deux demandes de manifestations, dont l'une du parti d'opposition Azimio la Umoja. "Les deux groupes avaient l'intention d'organiser des manifestations pacifiques. Mais pour la sécurité publique, aucune n'a été accordée", avait expliqué dimanche Adamson Bungei, chef de la police de la capitale kényane, évoquant notamment le non respect du délai de trois jours pour déposer une demande de manifestation.
Raila Odinga, leader d'Azimio la Umoja, avait convoqué ces manifestations pour protester contre la "montée en flèche" du coût de la vie mais aussi l'élection "volée" du 9 août dernier. William Ruto avait remporté ce scrutin très serré, et son adversaire considère son gouvernement comme "illégitime". "Depuis que M. Ruto a prêté serment il y a six mois, il dirige le pays avec beaucoup de mépris", a-t-il déclaré, soulignant le coût élevé des produits de base tels que le carburant, l'huile de cuisine, les frais de scolarité et l'électricité.
Malgré l'interdiction, des manifestants se sont réunis pour protester contre le coût de la vie. "Nous resterons ici jusqu'à ce qu'ils n'aient plus de gaz lacrymogène", a déclaré l'un d'eux, Markings Nyamweya, 27 ans.
"Nous sommes venus ici pacifiquement, mais ils nous ont jeté des gaz lacrymogènes", a affirmé un manifestant, Charles Oduor. "Ils nous mentent tous les jours. Où est la farine de maïs bon marché qu'ils ont promise ? Où sont les emplois pour les jeunes qu'ils ont promis ? Tout ce qu'ils font, c'est embaucher leurs amis", a ajouté ce jeune homme de 21 ans.
"Épreuve de force"
Le grand journal kényan The Standard titrait toutefois lundi matin: "Le jour de l'épreuve de force". De nombreux commerces à Nairobi étaient fermés avant les manifestations, et certaines entreprises avaient demandé à leurs employés de privilégier le télétravail.
Le ministre de l'Intérieur, Kithure Kindiki, avait affirmé dimanche que toute personne incitant au trouble à l'ordre public serait poursuivie. Le chef de l'Etat s'était élevé ce week-end contre les appels à manifester de son opposant. "Vous n'allez pas nous menacer avec des ultimatums, du chaos et de l'impunité. Nous ne le permettrons pas", avait dit William Ruto, demandant à Raila Odinga d'agir via des moyens "légaux et constitutionnels".
L'élection présidentielle reste un motif de conflit entre les deux leaders. Selon les résultats officiels, M. Odinga a perdu face à M. Ruto de quelque 233.000 voix, l'un des écarts les plus serrés de l'histoire du pays, et alors qu'il était soutenu dans ce scrutin par le président sortant Uhuru Kenyatta.
Après l'annonce des résultats officiels en août, Raila Odinga, qui concourait pour la cinquième fois à la tête du pays avait évoqué des fraudes et rejeté les résultats. Son recours déposé devant la Cour suprême avait cependant été rejeté, les membres de cette dernière rendant un jugement unanime en faveur de William Ruto, en estimant qu'il n'y avait aucune preuve étayant les accusations de M. Odinga.