Pour sa troisième visite diplomatique au Nigeria en moins de deux ans, John Kerry s'est rendu tout d'abord dans l'extrême nord du pays, à Sokoto, où il a réitéré l'engagement des Etats-Unis aux côtés du géant de l'Afrique de l'Ouest, avant de rencontrer le président Muhammadu Buhari à Abuja.
Dans son discours, le chef de la diplomatie américaine a loué les victoires de l'armée nigériane sur les "terroristes de Boko Haram", soulignant que le Nigeria avait récupéré "le contrôle d'une grande partie de son territoire".
Mais il a mis en garde les militaires nigérians, régulièrement accusés d'abus contre les droits de l'homme ou d'usage excessif de la force: "La répression entraîne la défiance, elle entraîne le mépris et engendre des terroristes", a-t-il ajouté.
"L'armée doit renforcer son engagement envers les valeurs que défendent cette région et le Nigeria dans son ensemble: l'intégrité, la bonne gouvernance, l'éducation, la compassion, la sécurité et le respect des droits de l'homme", a-t-il ajouté.
Cette remarque est arrivée quelques heures après une annonce faite par l'armée, selon laquelle le leader du groupe jihadiste, Abubakar Shekau, a été "mortellement blessé" dans un raid aérien.
Abubakar Shekau, dont le leadership à la tête de Boko Haram a récemment été mis en cause, a été touché à l'épaule lors de ce raid mené vendredi sur la forêt de Sambisa, base-arrière du groupe, selon un communiqué du porte-parole de l'armée nigériane Sani Usman, sans autre détail.
"J'ai dit blessé, s'il y a d'autres développements, je vous le ferai savoir", a ajouté l'officier interrogé par l'AFP.
Trois commandants de Boko Haram - Abubakar Mubi, Malam Nuhu et Malam Hamman - ont aussi été tués et plusieurs autres blessés, a ajouté le porte-parole.
M. Kerry n'en a fait aucune mention dans son discours, et pour l'heure aucune confirmation n'a été fournie sur les termes énigmatiques de cette déclaration.
Les autorités nigérianes ont déjà annoncé à plusieurs reprises la mort de l'insaisissable chef de Boko Haram, avant qu'il ne réapparaisse dans des vidéos pour les défier.
Shekau dirige un groupe islamiste d'une "violence extrême", selon les termes du secrétaire d'Etat américain. Boko Haram "n'a pas d'autres ambitions que d'assassiner des professeurs, de brûler des livres, de kidnapper des étudiants, de violer des femmes et des enfants, et de massacrer des innocents, musulmans, dans leur grande majorité", a-t-il dit à Sokoto.
"Guerre contre l'ignorance"
John Kerry y a rencontré des leaders religieux, mais aussi les gouverneurs des Etats du Nord, où l'on pratique la loi islamique de la charia, invitant chrétiens et musulmans à "se comprendre" et s'est dit combattre avec eux dans la même guerre, "la guerre contre l'ignorance".
La veille, dans l'Etat de Zamfara (nord), huit personnes avaient été lynchées par la foule pour avoir tenté d'aider un homme accusé de blasphème.
Cela demande "beaucoup d'efforts et une bonne gouvernance", a ajouté le secrétaire d'Etat, assurant que les Etats-Unis poursuivraient leur coopération militaire et humanitaire avec le pays le plus peuplé d'Afrique avec plus de 170 millions d'habitants.
Début août, le gouvernement américain avait annoncé ajouter 37 millions de dollars supplémentaires d'aide au nord-est du Nigeria pour répondre à la grave crise alimentaire causée par l'insurrection de Boko Haram.
L'enveloppe s'ajoute aux 318 millions de dollars déjà versés depuis 2015 par Washington en soutien humanitaire à la région, ce qui en fait le plus gros contributeur international.
"Les Etats-Unis, en partenariat avec le gouvernement nigérian et des donateurs internationaux se sont engagés à ouvrir des écoles pour les enfants déplacés par le conflit, leur offrir des repas, un soutien psychologique (...) pour qu'ils puissent un jour devenir des citoyens à part entière", a promis John Kerry sous les applaudissements de son auditoire.
Il a ensuite rencontré le président Buhari à Abuja, la capitale fédérale, mais n'a fait aucune déclaration publique.
Mercredi, le secrétaire d'Etat doit rencontrer des représentant d'ONG locales de lutte contre la corruption, l'une des priorités du gouvernement Buhari, avant de gagner l'Arabie Saoudite où il sera question du conflit yéménite, de la guerre en Syrie et de la lutte contre le groupe Etat islamique.
Avec AFP