"Il y a encore énormément à faire. Il se peut qu'on ne puisse pas respecter la date du 10 décembre", a-t-il dit samedi soir dans les locaux ultra-sécurisés de la Mission de l'ONU en Libye (Manul) à Tripoli, la capitale libyenne.
Réunis à Paris fin mai par le président Emmanuel Macron, quatre principaux protagonistes du conflit libyen s'étaient engagés à organiser des élections générales le 10 décembre.
Le scrutin est censé mettre fin à une interminable et chaotique période de transition dans ce riche pays pétrolier en proie à l'anarchie depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi.
La Libye est dirigée aujourd'hui par deux entités rivales: le Gouvernement d'union nationale (GNA) issu d'un processus onusien et basé à Tripoli et une autorité rivale installé dans l'Est, soutenu par un parlement et une force armée dirigée par le maréchal Khalifa Haftar.
Le pays est de plus sous la coupe de dizaines de milices qui n'hésitent pas à se battre pour étendre leur influence ou défendre leur territoire.
Ce fut le cas fin août quand des groupes armés ont tenté d'entrer dans Tripoli, se heurtant aux milices de la capitale. Au moins 117 personnes ont été tuées dans les combats qui ont cessé cette semaine à la faveur d'un accord de cessez-le-feu sous l'égide de l'ONU.
Problèmes logistiques
Ces violences ont compromis davantage le calendrier électoral qui "devient difficile (à respecter) aussi pour d'autres raisons", a souligné M. Salamé, citant le retard dans l'adoption de lois électorales.
L'accord de Paris prévoyait la préparation d'une "base constitutionnelle" avant le 16 septembre, une première échéance déjà non respectée par le Parlement qui était appelé notamment à adopter une loi référendaire sur un projet de constitution.
Après maintes reports, cette loi a été finalement votée la semaine dernière.
"Si tout va bien, le référendum pourrait avoir lieu avant la fin de l'année", mais les élections ne pourraient être organisées que d'ici "trois à quatre mois" si les conditions de sécurité le permettent, a-t-il dit.
"Nous avons encore besoin d'une loi électorale parlementaire et d'une autre (pour la) présidentielle", a souligné l'émissaire libanais.
Il a aussi fait état de problèmes "logistiques", après une attaque en mai du groupe jihadiste Etat islamique qui a gravement endommagé le siège de la Commission électorale à Tripoli.
Cet attentat a "retardé énormément le travail de la Commission" dont le siège doit déménager bientôt dans de nouveaux locaux, selon lui. Une fois en place, la commission devrait lancer "dans les prochaines semaines" une nouvelle campagne d'inscription d'électeurs.
L'heure au "tri"
Alors que le GNA a échoué jusqu'ici à mettre en place des forces de sécurité régulières, M. Salamé a dit qu'une commission composée d'officiers militaires et de police avait été chargée avec l'aide de la Manul de notamment "faire le tri" de milliers de personnes, civils et miliciens pour la plupart, "inscrits sur le registre du ministère de l'Intérieur (110.000), de défense (plus de 40.000) et de la Justice".
Certains pourraient devenir des policiers réguliers. Mais "il y aura des miliciens qui devront chercher un travail ailleurs", selon lui.
Sur le plan politique, l'émissaire de l'ONU a réaffirmé son soutien au GNA tout en soulignant la nécessité de le "réformer".
La "restructuration" de cet exécutif se trouve de nouveau au centre de négociations. Un "très large remaniement ministériel" est possible aussi.
Plus d'une année après sa nomination par l'ONU, M. Salamé s'est félicité d'avoir réussi à "ramener la Manul en Libye après quatre ans d'exil" à Tunis, en raison de l'insécurité, permettant ainsi "aux agences de l'ONU de travailler sur le terrain".
S'il a été surpris par les difficultés en Libye? "Non". "Peut-être surpris par la créativité des Libyens à trouver des obstacles. Ils trouvent des moyens assez inattendus pour faire durer le statu quo", son "principal ennemi dans ce pays".
Avec AFP