Depuis son arrivée à la tête du parti en décembre, le vice-président, Cyril Ramaphosa, cherche à pousser vers la sortie le chef de l'Etat, éclaboussé par les affaires de corruption, afin d'éviter une catastrophe aux élections générales de 2019.
Après des semaines de tractations et d'atermoiements, la direction de l'ANC s'est enfin décidée mardi à exiger le départ de M. Zuma, dont l'obstination à lui résister a plongé le pays dans la crise.
La nouvelle, très attendue, a été accueillie par un ouf de soulagement, qui s'est toutefois rapidement évanoui, faute d'un calendrier imposé à Jacob Zuma.
Le secrétaire général du parti, Ace Magashule, a assuré que le président avait "accepté le principe de se retirer" mais à ses conditions, dans un délai de trois à six mois, jugé inacceptable par l'ANC.
"Nous ne lui avons donné aucune date butoir" mais "je sais que le président va répondre demain" (mercredi) à l'injonction du parti de quitter le pouvoir, a-t-il ajouté.
La présidence n'a pas confirmé.
"Nous anticipons une solution à l'amiable", a plaidé Ace Magashule. "Nous le respectons comme un chef qui a contribué au combat de libération (contre l'apartheid). Il n'y a aucune raison de l'humilier".
En théorie, c'est donc la fin pour Jacob Zuma. Sommé de la même manière en 2008 de rendre son tablier, le président de l'époque, Thabo Mbeki, avait obtempéré sans rechigner.
Mais M. Zuma, muet depuis plusieurs jours, n'a aucune obligation juridique de se soumettre à la décision de son parti.
S'il refuse d'obtempérer, l'ANC n'aura pas d'autre choix - sauf à se renier - que de lui forcer la main en déposant une motion de défiance au Parlement. Son adoption à la majorité absolue des 400 députés imposerait alors à Jacob Zuma de partir.
- 'Arrêt de mort' -
"La décision de l'ANC a signé son arrêt de mort", a tranché Ben Payton, analyste au cabinet Maplecroft. "Il n'a pas d'échappatoire possible (...) s'il refuse de démissionner, il sera contraint de partir par un vote de défiance qu'il est sûr de perdre".
Mais la résilience une nouvelle fois démontrée par M. Zuma depuis le début de la crise incite à la prudence.
Lundi soir encore, il a opposé une fin de non-recevoir très sèche à Cyril Ramaphosa, venu personnellement dans sa résidence de Pretoria le prier de se démettre.
Le président "était très arrogant. Il a dit qu'il n'irait nulle part, parce qu'il n'a rien fait de mal", a expliqué un membre de la direction de l'ANC cité par la presse locale.
L'opposition, qui a réclamé la dissolution du Parlement et des élections anticipées, a vu dans cet épisode la preuve de la faiblesse du nouveau patron de l'ANC. "Le fait est que Jacob Zuma reste président et garde le pouvoir", a regretté le chef de l'Alliance démocratique (DA), Mmusi Maimane. "La seule façon de l'écarter, c'est de faire voter par le Parlement une motion de défiance".
Un telle motion a été déposée par les adversaires du président, mais elle n'est inscrite à l'ordre du jour des députés que le 22 février. Trop tard à leurs yeux.
L'ANC a été "humilié" par Jacob Zuma, a renchéri la principale centrale syndicale du pays (Cosatu), pourtant alliée historique du parti de Nelson Mandela. "Le temps est venu pour l'ANC de mettre fin à ce théâtre politique lamentable", a-t-elle ajouté.
Le parti dirige sans partage l'Afrique du Sud depuis la chute officielle de l'apartheid en 1994.
Mais ces dernières années, il a vu son étoile pâlir, victime du ralentissement de l'économie et des nombreux scandales de corruption qui visent le président Zuma. M. Ramaphosa, qui deviendra - sauf coup de théâtre - le nouveau président en cas de départ de M. Zuma, entend tourner rapidement cette page.
"J'ai l'impression que le président Zuma va démissionner", a estimé l'analyste Susan Booysen, de l'université du Witwatersrand à Johannesburg. "Mais il est en colère (...) et très réticent à partir. Son ombre peut encore planer longtemps sur le pays".
Avec AFP