Le commentaire du président américain a enflammé le débat sur un projet de réforme agraire controversé qui agite l'Afrique du Sud, toujours profondément divisée un quart de siècle après la chute du régime raciste de l'apartheid.
La polémique est partie mercredi soir d'une nouvelle saillie électronique du locataire de la Maison blanche.
"J'ai demandé au secrétaire d'Etat @SecPompeo d'étudier de près les saisies de terre et de fermes, les expropriations et les meurtres de grande ampleur de fermiers en Afrique du Sud", a écrit M. Trump sur son compte Twitter.
"Le gouvernement sud-africain saisit actuellement des terres appartenant aux fermiers blancs", a-t-il ajouté, manifestement après la diffusion d'une émission sur l'Afrique du Sud sur la très conservatrice chaîne de télévision Fox News.
A la veille des élections générales de 2019, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a promis d'accélérer la réforme de la terre afin de "réparer l'injustice historique grave" commise à l'endroit de la majorité noire pendant la période coloniale et l'apartheid, officiellement aboli en 1994.
Sans surprise, les autorités de Pretoria ont promptement réagi au tweet présidentiel.
"L'Afrique du Sud rejette totalement cette vision étroite qui ne vise qu'à diviser la nation et à nous rappeler notre passé colonial", a écrit son gouvernement sur Twitter, avant de promettre que sa réforme agraire serait "prudente et inclusive".
"Menteur pathologique"
La ministre des Affaires étrangères Lindiwe Sisulu a déploré les propos "malheureux" de Donald Trump, fondés "sur de fausses informations" et demandé des "clarifications" à Washington.
"Ne touchez pas aux affaires sud-africaines !", a lancé au président américain le chef des Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale), Julius Malema. "Nous n'avons pas peur de vous", a-t-il ajouté, le qualifiant de "menteur pathologique".
"Les dirigeants internationaux qui jouent avec la peur n'apportent rien", a déclaré Mmusi Maimane, le chef de l'Alliande démocratique (DA, principal parti d'opposition), tout en réitérant son opposition au projet gouvernemental.
La controverse a affecté jeudi le rand sud-africain, qui a perdu jusqu'à près de 2% dans la matinée par rapport au dollar américain, avant de se reprendre.
La réforme de M. Ramaphosa vise à rectifier les déséquilibres fonciers en Afrique du Sud, où la minorité blanche (8% de la population) possède 72% des fermes contre 4% seulement aux Noirs (80% de la population), selon le gouvernement.
Pour y remédier, le président a notamment décidé d'exproprier des grands fermiers sans les dédommager et souhaité pour cela amender la Constitution.
La discussion est en cours mais, contrairement à ce qu'a affirmé M. Trump, le projet n'a pas encore été mis en oeuvre.
Mercredi encore, le chef de l'Etat sud-africain a confirmé devant la Parlement son intention de procéder à des "expropriations sans compensation" mais rejeté toute nationalisation et promis de "renforcer les droits de propriété".
74 fermiers tués
De nombreux Noirs saluent sa réforme, mais les Blancs s'en inquiètent ouvertement. Ils redoutent la répétition des expulsions violentes commises de fermiers blancs ordonnées au début des années 2000 au Zimbabwe voisin par le régime de Robert Mugabe.
La minorité blanche dénonce également les violences dont sont régulièrement victimes les agriculteurs dans les zones rurales du pays, une question très controversée.
Un total de 74 fermiers, selon la police, ont été tués entre 2016 et 2017 en Afrique du Sud, pour la quasi-totalité des Blancs selon l'organisation AfriForum qui défend cette minorité.
Mercredi, Cyril Ramaphosa avait accusé AfriForum de "répandre mensonges et rumeurs" en affirmant "à l'étranger que l'ANC voulaient procéder à des expropriations massives".
Son vice-président David Mabuza a renchéri jeudi en s'en prenant "à ceux qui déforment le sens de notre réforme agraire à l'étranger et répandent des contrevérités sur les +fermiers blancs+ menacés par leur propre gouvernement".
A l'inverse, le patron d'AfriForum, dont une délégation a récemment fait une tournée de promotion aux Etats-Unis, s'est réjoui de l'intervention de Donald Trump.
"Nous avons besoin d'un soutien international (...) pour éviter une situation où nos dirigeants engageraient une politique économique catastrophique identique à celles que l'on a vues au Vénézuéla ou au Zimbabwe", a déclaré Kallie Kriel à l'AFP.
Très sensible, la question de la terre avait déjà suscité en mars dernier une polémique entre l'Afrique du Sud et l'Australie.
Un ministre du gouvernement de Canberra s'était attiré les foudres de Pretoria en offrant d'accueillir les agriculteurs sud-africains blancs à ses yeux "persécutés" dans leur pays.
Avec AFP