Dans cet Etat du Sud qui a voté Trump à plus de 62% lors de l'élection présidentielle du 8 novembre 2016 et relégué Hillary Clinton trente points derrière lui, la victoire de cet ancien juge face au démocrate Doug Jones semblait une formalité.
Mais les accusations d'agressions sexuelles et de comportement déplacé envers des adolescentes alors qu'il était âgé d'une trentaine d'années ont miné sa campagne. Moore, aujourd'hui âgé de 70 ans, a démenti et affirmé qu'il n'avait jamais rencontré ses accusatrices, dont une femme qui affirme qu'il lui a fait des avances sexuelles alors qu'elle avait 14 ans.
Dans le contexte de libération de la parole des femmes consécutive aux révélations sur le producteur hollywoodien Harvey Weinstein, plusieurs républicains se sont émus du maintien de sa candidature. La direction du parti a même suspendu un temps ses contributions au financement de sa campagne. A la veille de l'élection, en meeting à Midland City, ce membre de la communauté chrétienne conservatrice a reçu le soutien de Steve Bannon, figure de la droite ultraconservatrice et qui a conseiller pendant plusieurs mois Trump à la Maison blanche.
Bannon s'était déjà affiché à ses côtés durant la campagne, et Trump a appelé à plusieurs reprises à soutenir le candidat républicain, enregistrant même un message de soutien envoyé par téléphone aux électeurs de l'Etat.
"MAKE AMERICA GREAT AGAIN"
Faisant directement écho à la promesse du 45e président des Etats-Unis, qui s'est engagé à débarrasser les Etats-Unis des politiciens de Washington, Moore avait intitulé son dernier rassemblement électoral "Drain the Swamp" (Assécher le marécage).
Il a aussi cité le slogan "Make America Great Again" martelé tout au long de la campagne présidentielle de l'an dernier.
"Je veux, a-t-il dit, rétablir la grandeur de l'Amérique avec le président Trump. Je veux que l'Amérique soit grande, mais je veux aussi que l'Amérique soit bonne, et elle ne peut l'être que si nous revenons vers Dieu."
Son rival démocrate, l'ancien procureur Doug Jones, 63 ans, se pose pour sa part en "candidat de la raison". L'élection d'un démocrate à un poste de sénateur de l'Alabama serait une première depuis vingt ans et aurait une symbolique forte à un an des élections de mi-mandat. Elle réduirait aussi la majorité déjà faible des républicains au Sénat, où le parti présidentiel ne dispose que de 52 sièges contre 48 pour l'opposition.
"Nous ne pouvons pas nous permettre, ce pays, l'avenir de ce pays ne peut pas se permettre de perdre un siège au Sénat très, très serré des Etats-Unis", a du reste souligné Donald Trump la semaine dernière à Pensacola, en Floride, non loin de la frontière avec l'Alabama.
OBAMA ET BIDEN EN RENFORT
Dans le camp démocrate, Barack Obama et celui qui fut deux mandats durant son vice-président, Joe Biden, ont également envoyé des messages aux électeurs, contribuant eux aussi à faire de cette sénatoriale partielle un référendum pour ou contre la politique de Trump.
Un sondage Fox News diffusé lundi crédite Doug Jones de 50% des intentions de vote contre 40% seulement pour Roy Moore. La moyenne des sondages réalisée par le site Real Clear Politics donne toujours Moore légèrement en tête, avec une avance de 2,2 points.
Jones, qui a inculpé lorsqu'il était procureur d'anciens membres du Ku Klux pour un attentat à la bombe commis en 1963 contre une église noire de Birmingham, fatal à quatre fillettes, a consacré l'ultime semaine de campagne auprès de l'électorat noir.
Sa victoire, dit-il, fera basculer l'Alabama "du bon côté de l'Histoire" alors que les Etats-Unis ont redécouvert ces dernières années le poids de la question raciale sur fond d'homicides de Noirs par des policiers et d'émergence de mouvements suprémacistes blancs. Ses adversaires républicains mettent en avant son libéralisme notamment en matière de droit à l'interruption volontaire de grossesse.
Même s'il gagne, Roy Moore pourrait avoir une réception glaciale à Washington, où des républicains estiment qu'il pourrait faire immédiatement l'objet d'une enquête de la commission d'éthique du Sénat.
Avec Reuters