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L'euphorie post-Mugabe fait place à la désillusion


L'ancien président du Zimbabwe, Robert Mugabe, prend la parole lors d'une conférence de presse tenue dans sa résidence "Blue Roof", à Harare, le 29 juillet 2018.
L'ancien président du Zimbabwe, Robert Mugabe, prend la parole lors d'une conférence de presse tenue dans sa résidence "Blue Roof", à Harare, le 29 juillet 2018.

Après 37 ans au pouvoir de Robert Mugabe, le Zimbabwe rêvait d'un avenir meilleur mais avec l'élection controversée de son ex-bras droit Emmerson Mnangagwa et la répression de l'opposition, beaucoup ont l'impression d'être revenus au point de départ.

"Je veux m'enfuir", assure Christine, une responsable de magasin à Harare. "C'est vraiment dur d'avoir ses amis, ses proches touchés par balle alors qu'ils sont simplement en train de s'occuper de leurs affaires", explique-t-elle à l'AFP.

Mercredi, l'armée et la police ont maté à Harare une manifestation de l'opposition qui dénonçait des fraudes lors des premières élections de l'ère post-Mugabe. Au moins six personnes ont été tuées, rappelant douloureusement les pratiques du temps de Mugabe.

"Les mêmes soldats qui ont fait tomber Mugabe et que nous avons acclamés sont maintenant envoyés pour tuer les gens après qu'on a voté", s'indigne Douglas Kumire, dont le frère fait partie des victimes.

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Emmerson Mnangagwa - qui a succédé à Robert Mugabe à la suite d'un coup de force de l'armée - avait pourtant promis des élections justes et pacifiques pour ce double scrutin présidentiel et législatif du 30 juillet.

Il a été élu dès le premier tour avec 50,8% des suffrages, contre Nelson Chamisa (44,3%) qui a crié à la triche.

"Quand on a fait tomber Mugabe, on était heureux, on pensait qu'on aurait un avenir meilleur", explique Rhodes, un chauffeur de 42 ans.

Funérailles d'une victime de violences postélectorales au Zimbabwe (vidéo)
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Mnangagwa 'dangereux'

Mais "on ne sait plus si on a un avenir ici parce qu'on a peur. En tant que père, je ne vois pas d'avenir pour mes enfants si les gens s'entretuent ainsi", ajoute cet homme originaire du Malawi, qui habite désormais à Harare.

Les gens sont "déçus et pessimistes", poursuit un homme d'affaires, Emmanuel Masvikeni, 46 ans. "On est au point mort", constate-t-il en sortant de la messe dimanche à Harare.

Christine raconte avoir vu vendredi soir des civils battus par les militaires à Chitungwiza, une ville dortoir au sud de la capitale. "Je ne sais même pas pourquoi ils frappaient ces gens. Ils n'ont rien fait de mal. On a peur de sortir", ajoute-t-elle.

Une passante ne se dit pas surprise outre mesure. "Je n'ai jamais pensé que ce genre de chose allait cesser une fois Mugabe parti. Non", lance-t-elle sous couvert de l'anonymat.

>> Lire aussi : "Tué comme un chien": au Zimbabwe, les familles des victimes post-électorales crient leur colère

Emmerson Mnangagwa, 75 ans, fut le fidèle exécuteur des basses besognes répressives de l'ancien régime, dont il fut ministre et vice-président, avant d'être limogé en novembre.

En tant que chef de la sécurité nationale sous Mugabe, il a dirigé en 1983 la répression dans les provinces dissidentes du Matabeleland (ouest) et des Midlands (centre), qui ont fait environ 20.000 morts.

Il "est très dangereux. Au moins Mugabe faisait les choses de façon cachée", ajoute Christine.

"Pourquoi frapper les gens alors que vous avez gagné ?", se demande-t-elle. "Quand il est arrivé au pouvoir, les gens savaient qu'on changeait le chauffeur du bus, mais pas le bus."

Dans une librairie indépendante, la propriétaire Maryann s'inquiète pour l'avenir, en montrant une liasse de billets d'obligation tout neufs.

Le pays s'est doté en 2016 d'une nouvelle monnaie sous la forme de "billets d'obligation" pour tenter d'enrayer la fuite vers l'étranger du dollar américain, utilisé pour les transactions après l'abandon en 2009 de la monnaie zimbabwéenne.

Théoriquement, cette nouvelle monnaie est à parité avec le dollar, mais en réalité elle s'échange à un tiers du billet vert.

"Ils m'ont donné de nouveaux billets d'obligation aujourd'hui à la banque. Ce n'est pas bon signe qu'ils les impriment", constate Maryann, alors que la pays se débat depuis près de deux décennies avec une crise économique qui a plongé 90% de la population au chômage.

"C'est la raison pour laquelle les jeunes ont manifesté", estime Christine. "Ils n'ont obéi à aucun ordre, ils sont juste amers."

Avec AFP

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