"Tout laisse à penser qu’il s’agit là d’une simple manipulation politique et d’une nouvelle manœuvre de diversion visant à faire oublier les questions douloureuses non résolues" depuis le début en avril 2015 de la crise politique que traverse le Burundi, a déclaré M. Buyoya dans un communiqué.
"Il est symptomatique que la réouverture du dossier de feu Melchior Ndadaye intervient au moment où, face aux multiples sollicitations de la communauté internationale, le gouvernement a choisi de s’emmurer délibérément dans le refus du dialogue", a ajouté M. Buyoya, actuel représentant de l’Union africaine (UA) au Mali.
Le Burundi a lancé vendredi un mandat d’arrêt international contre M. Buyoya, ainsi que 11 hauts gradés des forces de sécurité (armée et gendarmerie) et cinq de ses anciens proches collaborateurs civils, pour leur rôle présumé dans l'assassinat de M. Ndadaye.
Cet assassinat avait été à l'origine d'une guerre civile (93-2006) qui a fait plus de 300.000 morts et opposé l'armée, alors dominée par la minorité tutsi (14% de la population), à des mouvements rebelles hutu (85%).
Le major Buyoya, un Tutsi, avait été porté au pouvoir par l'armée en 1987. Il avait cédé sa place à Melchior Ndadaye, un Hutu, élu démocratiquement en juillet 1993. Il était ensuite revenu au pouvoir entre 1996 et 2003.
Il a rappelé dans son communiqué qu'un jugement avait déjà été rendu dans cette affaire. Une dizaine de soldats dont le plus haut gradé était lieutenant ont été condamnés en 1998, dans un procès considéré comme celui "des exécutants". Aucun des nombreux hauts gradés cités dans cet assassinat n'a été inquiété.
Il a également souligné qu'un "consensus (avait) été dégagé sur la voie à suivre pour résoudre ce qu’il a été convenu d’appeler le contentieux de sang" dans le cadre de l'accord de paix d'Arusha (2000), lequel avait ouvert la voie à la fin de la guerre civile.
Depuis, les dirigeants politiques, les membres de l'ancienne armée et des mouvements rebelles avaient bénéficié d’une immunité provisoire, alors que cet accord avait prévu que tous les crimes commis relèveraient désormais de la Commission vérité et réconciliation (CVR).
Ces mandats d’arrêt ont suscité des tensions à Bujumbura. Les tenants du pouvoir se sont félicités d’une "décision historique". Mais les opposants ont dénoncé "un deux poids, deux mesures", en rappelant qu’aucun membre de l'ex-rébellion hutu, aujourd'hui au pouvoir, n’a été inquiété pour les nombreux massacres de Tutsi qui ont suivi la mort du président Ndadaye.