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L'ex-putschiste Amadou Sanogo recouvre la liberté dans un Mali en crise


Le chef de l'ex-junte Amadou Haya Sanogo devant la cour d'assises de Sikasso, dans le sud du Mali, le 30 novembre 2016.
Le chef de l'ex-junte Amadou Haya Sanogo devant la cour d'assises de Sikasso, dans le sud du Mali, le 30 novembre 2016.

Le général Amadou Sanogo, meneur d'un coup d'Etat en 2012, est sorti de prison mardi sur décision de la justice malienne qui a ordonné sa libération et celle de douze autres militaires détenus depuis six ans.

Le général Sanogo a quitté la prison souriant mais a gardé le silence, a constaté un correspondant de l'AFP. Les défenseurs des droits humains ont exprimé, eux, leur inquiétude devant l'éventualité que les accusés ne finissent par être amnistiés pour des raisons purement politiques dans une période très difficile pour le pays.

La décision de la Cour d'appel de Bamako était guettée avec attention, compte tenu des enjeux extrajudiciaires d'une reprise de leur procès et de la possible comparution devant la cour d'assises du ministre de la Défense en exercice, Ibrahima Dahirou Dembélé.

M. Dembélé, mis en cause en tant qu'ancien chef d'état-major de la junte en 2012-2013, passe aujourd'hui pour un acteur important du combat contre les jihadistes alors que l'armée et l'Etat maliens sont soumis à la pression d'attaques qui ont fait des centaines de morts ces derniers mois.

M. Dembélé n'est pas détenu, contrairement au général Sanogo. Mais il devrait être appelé à la barre, sinon poussé à la démission si le procès reprend, avec des conséquences difficilement prévisibles dans un contexte sécuritaire et politique dégradé.

L'affaire renvoie le Mali aux premiers mois de la crise qu'il continue à traverser et qui s'est propagée aux pays voisins, sans règlement en vue.

Le 21 mars 2012, alors que les rebelles touareg ont lancé une offensive majeure dans le nord et que les jihadistes affluent en provenance des pays voisins, des soldats, parmi lesquels Amadou Sanogo, alors obscur capitaine, se mutinent contre l'inaptitude du gouvernement à faire face à la situation. Ils chassent le président Amadou Toumani Touré.

Le coup d'Etat précipite en fait la déroute de l'armée. La région tombe sous la coupe des jihadistes qui ont évincé les rebelles touareg.

Sous la pression internationale, la junte finit par céder le pouvoir à des autorités civiles intérimaires. Elu président en août 2013, Ibrahim Boubacar Keita, encore en poste aujourd'hui, élève Amadou Sanogo au rang de général quatre-étoiles, promotion largement considérée comme politique.

Mais, fin 2013, Amadou Sanogo est arrêté pour son implication présumée dans la mort de 21 membres d'une unité d'élite, les "Bérets rouges", retrouvés dans un charnier. Opposés au coup de force de mars 2012, les "Bérets rouges" avaient vainement tenté un contre-putsch un mois plus tard.

- Vers l'amnistie ?-

Le procès d'Amadou Sanogo et d'une quinzaine de co-prévenus, tous militaires, s'est ouvert fin 2016 pour "enlèvement et assassinat, complicité d'enlèvement et d'assassinat". Depuis, un des accusés est décédé, deux autres ont été remis en liberté.

Parmi les accusés, Ibrahima Dahirou Dembélé, pas encore ministre.

Le procès avait rapidement été ajourné et est resté dans les limbes depuis fin 2016 jusqu'à une nouvelle audience, récemment fixée au 13 janvier 2020. M. Dembélé, devenu ministre de la Défense en 2019, aurait dû y comparaître et a offert sa démission, ont rapporté les médias.

Le procès a encore été reporté. Le gouvernement a invoqué la nécessité de maintenir "la cohésion des forces armées".

Après l'arrêt de mardi, l'incertitude règne sur l'avenir de ce procès.

L'un des avocats du général Sanogo, Me Cheik Oumar Konaré, a estimé que "justice (était) rendue" après plus de six années de préventive alors que le code fixe à trois ans la durée maximale de la détention provisoire.

Les défenseurs des droits humains s'alarment. La libération des accusés "jettent le doute sur l'engagement des autorités à rendre la justice et apporter la vérité aux familles des 21 soldats assassinés", s'est ému Amnesty International dans un communiqué. La préoccupation est partagée par la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH).

Sous le couvert de l'anonymat, une source proche du gouvernement a admis "un souci de ne pas destabiliser notre outil de défense" de la part des autorités. Que le ministre soit contraint de démissionner, ce "n'est pas possible parce qu'il est actuellement un élément clé" du dispositif antijihadiste.

Amnesty International et la FIDH ont dit redouter à présent que les accusés ne bénéficient d'une amnistie en vertu d'une loi controversée de réconciliation adoptée en 2019.

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