En juin 2017, le premier procès de celui que beaucoup surnommaient affectueusement le "père de l'Amérique", à l'apogée de son sitcom "The Cosby Show" (1984-1992), s'était soldé par une annulation.
Les douze jurés réunis dans la petite ville de Norristown, à 30 kilomètres de Philadelphie, étaient restés divisés sur la culpabilité ou non de l'octogénaire, symbole de promotion sociale noire et de droiture morale avant de devenir paria, accusé d'avoir agressé sexuellement une ancienne basketteuse, Andrea Constand, à son domicile en janvier 2004, après lui avoir fait avaler un puissant sédatif.
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Si plus de 60 femmes ont accusé Bill Cosby de les avoir abusées sexuellement au fil des années, le dossier d'Andrea Constand --qui aura 45 ans le 11 avril-- est le seul dont les faits ne soient pas prescrits.
Des allégations qui ne sont pas sans rappeler les nombreuses accusations contre des hommes de pouvoir mises en lumière par le puissant mouvement #MeToo depuis octobre, et dont Bill Cosby et ses avocats pourraient faire les frais lors de ce second procès.
"Le mouvement #MeToo rend les gens beaucoup plus sensibles à ce problème" des violences sexuelles, a indiqué à l'AFP Dan Filler, professeur de droit à l'université Drexel. "On est à un moment où les jurés auront, j'imagine, davantage de facilité à croire les victimes".
L'influence du #MeToo a d'ailleurs fait partie des questions-test posées pendant la sélection des jurés, qui s'est achevée jeudi soir. Le panel principal compte sept hommes et cinq femmes et, pour sa composition raciale qui a fait un temps débat, dix Blancs et deux Noirs.
Autre difficulté pour la défense: cinq femmes ont été autorisées par le juge Steven O'Neill à témoigner pour l'accusation. Toutes affirment avoir été, elles aussi, victimes d'abus commis par Bill Cosby, qui les aurait droguées au préalable.
Il n'y en avait qu'une au premier procès, mise à rude épreuve par la défense. Elle ne reviendra pas cette fois.
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En autorisant ces femmes à témoigner, "le juge donne un avantage à l'accusation", a estimé Julie Rendelman, avocate new-yorkaise qui a souvent défendu des affaires d'agressions sexuelles. "Se battre contre une accusatrice est une chose. Avec cinq, cela devient beaucoup plus difficile".
Motivée par l'argent?
Mais la défense ne part pas perdante pour autant.
L'équipe d'avocats du comédien, désormais emmenée par Tom Mesereau, un expert de ce genre d'affaires, a déjà montré qu'elle irait au-delà des moyens déployés par l'équipe précédente.
Le juriste, originaire de Los Angeles, a notamment tenté toutes les voies pour empêcher le procès, jusqu'à demander la révocation du juge au motif que sa femme serait proche d'organisations de victimes d'agressions sexuelles.
Tout le monde s'attend à ce que cet avocat aux épais cheveux blancs, réputé redoutable en contre-interrogatoire, se montre particulièrement incisif, contribuant à allonger la durée du procès.
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L'an dernier, la présentation de la défense s'était terminée en quelques minutes et le procès, délibérations comprises, avait duré onze jours. Le second pourrait durer un mois.
M. Mesereau est devenu célèbre en 2005 en obtenant l'acquittement du chanteur Michael Jackson, accusé d'attouchements sur des enfants, faisant notamment valoir que les allégations venaient de gens mis en appétit par l'argent de l'interprète de "Thriller".
Une ligne de défense qu'il devrait à nouveau employer pour Bill Cosby: l'avocat pourra ainsi révéler au procès la somme qu'aurait touché Andrea Constand aux termes d'un accord à l'amiable scellé en 2006, resté confidentiel jusqu'ici.
Exposer de tels accords peut néanmoins s'avérer "à double tranchant", selon Mme Rendelman, car ils peuvent donner l'impression qu'une célébrité acceptant de payer une grosse somme a effectivement "quelque chose d'incriminant à cacher".
M. Mesereau a aussi obtenu de pouvoir appeler à la barre une ex-collègue de la plaignante, prête à affirmer que celle-ci s'est targuée haut et fort de gagner de l'argent sur le dos d'une célébrité.
"Si les jurés la croient, ce sera très favorable à la défense", anticipe Mme Rendelman. Mais, au final, c'est "la crédibilité" d'Andrea Constand qui devrait constituer une fois encore le coeur des débats.
S'il est jugé coupable, Bill Cosby --qui a toujours assuré qu'Andrea Constand était consentante-- risque jusqu'à trente ans de prison. Et ses espoirs de revenir un jour à la scène s'évanouiraient à jamais.
Avec AFP