Le jour de son exécution, le 16 juin 1944, George Stinney, qui ne pesait que 43 kilos, était si petit que son bourreau avait dû lui glisser un annuaire téléphonique sous les fesses pour qu'il puisse tenir sur la chaise électrique.
Dans une décision rendue mercredi, la juge Carmen Tevis Mullen de cet Etat du sud-est des Etats-Unis a affirmé que la procédure judiciaire contre George Stinney avait été entachée de "violations fondamentales et constitutionnelles d'un procès régulier".
"Je n'ai pas souvenir d'un cas où abonderaient autant de preuves de violations des droits constitutionnels avec une telle injustice", écrit la magistrate.
George Stinney avait été arrêté après la découverte dans un fossé de Betty June Binnicker, 11 ans et Mary Emma Thames, 7 ans, battues à mort.
Les deux fillettes avaient disparu après une balade à vélo dans la petite ville d'Alcolu, marquée par la ségrégation et où la plus grande entreprise était la scierie locale.
Lors d'un procès qui n'a duré qu'une seule journée, la police a affirmé avoir obtenu des aveux de l'adolescent, bien qu'on n'ait jamais retrouvé aucune preuve écrite dans les archives judiciaires.
Son avocat, un collecteur d'impôts blanc alors en pleine campagne pour sa réélection, avait convoqué très peu de témoins, ne s'était livré qu'à des simulacres de contre-interrogatoires et n'avait pas cherché à repousser la date du procès.
"Il apparaît qu'il avait très peu, voire rien fait pour défendre Stinney", écrit encore la juge.
Il n'avait fallu que quelques minutes au jury, exclusivement composé d'hommes blancs, pour condamner l'adolescent à la peine de mort. Son avocat n'avait pas fait appel, ce qui aurait pu suspendre l'exécution.
En épluchant les minutes du procès, la juge Mullen explique qu'elle n'a trouvé aucune allusion à la présentation aux jurés de l'arme du crime, sans doute une barre ou une tringle en fer.
Quant aux aveux de Stinney, la juge estime que le policier les lui avait arrachés de "manière indûment suggestive, non-conforme avec les codes de la procédure pénale".
Après l'exécution, à peine trois mois après les meurtres des deux fillettes, la famille Stinney avait fui la ville, par peur des représailles.
Ses frère et soeur, aujourd'hui septuagénaire et octogénaire, étaient lancés depuis des années dans un combat judiciaire pour réhabiliter le nom de leur frère.
"Je suis si heureuse, cette décision n'a que trop tardé", a confié sa soeur Katherine Stinney Robinson, au journal local.
La nièce de Betty June Binnicker, une des deux fillettes tuées, s'est en revanche montrée indignée par cette décision.
"Nous savions tous que Betty June avait été tuée, de quelle manière et par qui. Nous avons grandi avec cela", a déclaré Frankie Bailey Dyches à la presse locale. "Cela les contrarie qu'il ait été exécuté si jeune mais c'était comme ça que fonctionnait la loi à l'époque", a-t-elle ajouté