Au pays des hommes intègres, les défis du développement abondent en même temps que les attaques djihadistes incessantes et répétitives forcent l'Etat burkinabè à dépenser de plus en plus dans le domaine de la sécurité.
Pour faire face à tous ces défis, les autorités du Burkina Faso ont récemment décidé d'élargir la portée de l’impôt unique sur les traitements et les salaires (IUTS) pour inclure primes et allocations. Une mesure qui passe mal.
Le weekend dernier, les syndicalistes sont une nouvelle fois descendus dans la rue pour décrier l’IUTS. Affichant des banderoles et scandant « Ça suffit ! », ils se sont insurgés contre ce qu’ils considèrent comme une réduction des salaires qui ne dit pas son nom.
En hibernation depuis 1970
L’adoption de l’IUTS remonte à septembre 1970, soit une décennie après l’indépendance acquise en août 1960. Depuis, sa mise en application a été largement déférée jusqu’à 2017, quand il a été étendu aux primes et aux indemnités des travailleurs du privé, du public et du parapublic. C’est justement l’inclusion des primes et des indemnités qui fait tâche du point de vue des syndicats du secteur public.
« Le gouvernement est en train de diminuer les salaires d’une part et d’autre part, le montant total de l’IUTS recouvré est d’1,2 milliard pour le mois de février 2020. Ce qui veut dire que le gouvernement cherche des recettes parce que tout simplement il y a des charges auxquelles il faut faire face au lieu de chercher l’argent là où il faut. Il se rabat sur les salaires des travailleurs qui sont faciles à frapper d’impôts », décrie Zakaria Bayiré, secrétaire général adjoint du Syndicat national des agents des impôts et des domaines (SNAID).
Côté gouvernement, on soutient le contraire. L’expansion de l’IUTS est présentée comme une mesure nécessaire et prudemment mise en application pour qu’elle n’affecte qu’une infime partie des travailleurs.
« Le gouvernement a décidé de plafonner le maximum que nous pouvons récupérer à 50 000 FCFA. 93% des acteurs payeront entre 0 et 10 000 FCFA. Donc il y a un peu plus de 6% qui subissent des augmentations qui vont de 10 000 à 50 000 FCFA maximum », explique Remis Dandjinou, porte-parole du gouvernement burkinabè.
On l’applique ou on ne l’applique pas?
Pour Daouda Diallo, expert en finance publique et associé gérant du cabinet Fisc Consulting International, il y a avant tout un souci d’équité, à quoi s’ajoute la nécessité d’observer l’état de droit.
« C’est une vielle imposition. Pour des raisons d’opportunités, l’Etat n’avait pas imposé ces indemnités à l’IUTS. Aujourd’hui, pour les mêmes raisons d’opportunités, l’Etat estime qu’il faut qu’il puisse imposer ces indemnités à l’IUTS. Et cela d’autant plus que nous avons généré de nombreuses charges et on ne peut pas continuer à dire que ces charges doivent être prises en charge par une catégorie de travailleurs et qu’une autre catégorie de travailleurs doit être exemptée de tout paiement », souligne-t-il. Et d’ajouter : « La vraie question est de savoir est-ce qu’on applique la loi ou on ne l’applique pas? »
Selon des données fournies par le Fonds monétaire international (FMI), les dépenses liées à la masse salariale avalent plus de 55% des recettes que l’Etat burkinabè perçoit des impôts. Il y a donc lieu de rééquilibrer les choses.
« Les objectifs visés par les autorités sont d’une part, rétablir l'équité de traitement entre les contribuables et, d’autre part, renforcer la mobilisation des recettes, compte tenu notamment des besoins croissants en matière de sécurité et de dépenses humanitaires », souligne un porte-parole du FMI à Washington.
Pour 2020, le gouvernement prévoit une récolte de 134 milliards FCFA grâce à l’IUTS.