"Dites à Monsieur Alpha Condé que le rêve qu'il nourrit risque de se transformer en cauchemar", a prévenu devant la presse Abdourahmane Sanoh, à la tête du collectif qui orchestre depuis mi-octobre la mobilisation de masse contre un éventuel troisième mandat de M. Condé.
Réuni en urgence, le Front national de défense de la Constitution (FNDC) prépare des "actions de résistance' qui seront annoncées dans les prochains jours", a précisé M. Sanoh, entouré des principaux leaders du FNDC, dont le chef de file de l'opposition politique, Cellou Dalein Diallo.
Il a aussi confirmé l'appel à une "marche pacifique" le 26 décembre sur tout le territoire.
M. Condé, élu en 2010 et réélu en 2015, a confirmé jeudi ce que tout le monde attendait depuis des mois. Il compte soumettre aux Guinéens un projet de nouvelle Constitution, a priori par référendum, à une date qu'il n'a pas précisée.
Cette éventualité fait pourtant descendre les Guinéens par dizaines ou centaines de milliers dans la rue quasiment toutes les semaines depuis deux mois.
La contestation, durement réprimée à plusieurs reprises, a causé la mort d'au moins vingt civils et un gendarme. Des centaines de personnes ont été arrêtées. Les défenseurs des droits de l'homme dénoncent l'usage excessif de la force, des arrestations arbitraires et l'impunité des forces de sécurité.
Pour l'opposition, il ne fait aucun doute qu'à 81 ans, M. Condé, à l'exemple d'autres leaders africains, cherche à créer les conditions pour se représenter fin 2020, à l'expiration de son mandat à la tête de ce petit pays de 13 millions d'habitants, pauvre malgré d'importantes ressources minières.
L'actuelle Constitution limite à deux le nombre de mandats présidentiels.
A l'aube d'une année chargée, avec des législatives prévues en février, une présidentielle et peut-être un référendum entre-temps, les organisations africaines et la communauté internationale redoutent l'escalade dans un pays à l'histoire tourmentée, coutumier des manifestations et des répressions brutales.
Le FNDC a appelé vendredi "la Cédéao et l'Union africaine à intervenir avant que le chaos s'installe", alors que les pressions internationales ont semblé jusqu'ici ne pas avoir de prise sur M. Condé.
Celui-ci s'est une nouvelle fois gardé de dévoiler ses intentions personnelles jeudi. Il a présenté son initiative comme résultant d'un "débat" en cours sur les "lacunes et incohérences" du texte. Il a fugitivement évoqué la contestation comme le fait de "certains acteurs socio-politiques" remettant en cause l'ordre public.
- "Actions décisives" -
Le projet de Constitution "fera l'objet d'une large vulgarisation avant son adoption par le peuple souverain", a-t-il dit.
L'article 40 du texte publié en même temps que son allocution stipule que "le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six ans, renouvelable une fois".
Le mandat présidentiel est actuellement de cinq ans.
Seulement, dit l'opposition, cette nouvelle Constitution ne contrarierait pas les desseins de M. Condé. Au contraire, elle remettrait les compteurs à zéro, lui permettant de se représenter.
Bien qu'attendue, l'annonce faite par M. Condé semble avoir pris tout le monde de court.
"Il s'agit ni plus ni moins d'un coup d'État constitutionnel", a dit Fodé Oussou Fofana, numéro deux de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), le principal parti d'opposition.
"Les Guinéens doivent se lever comme un seul homme", a exhorté Saïkou Yaya Barry, député et secrétaire exécutif de l'Union des forces républicaines, autre parti d'opposition.
Opposant historique qui connut l'exil et la prison, M. Condé a été le premier président de la Guinée démocratiquement élu en 2010. Son avènement a marqué l'instauration d'un gouvernement civil après des décennies de régimes autoritaires et militaires.
Mais après une évolution encourageante, les défenseurs des droits rapportent une régression ces derniers mois. L'opposition dénonce une dérive "dictatoriale" de M. Condé.