Dans un entretien exclusif à l'AFP à Tripoli, M. Salamé a également estimé que l'offensive lancée le 4 avril par l'Armée nationale libyenne (ANL, autoproclamée) contre la capitale, siège du gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale, avait abouti à une "impasse militaire".
A la demande de la présidence allemande, le Conseil de sécurité de l'ONU doit tenir une nouvelle réunion à huis clos ce jeudi à 19H00 GMT pour étudier "le chemin à suivre" en Libye, après qu'un projet de résolution soumis par Londres et réclamant un cessez-le-feu n'a pas recueilli le consensus nécessaire, selon des diplomates.
Depuis la chute en 2011 du régime du dictateur Mouammar Kadhafi après une révolte populaire, la Libye est plongée dans le chaos avec de nombreuses milices qui font la loi et une lutte de pouvoir entre le GNA de Fayez al-Sarraj, à Tripoli, et l'ANL de M. Haftar, l'homme fort de l'est libyen.
La reprise des hostilités entre l'ANL et le GNA risque de plonger le pays dans la guerre civile. Depuis plusieurs jours, l'ANL, même si elle annonce des percées, piétine au sud de la capitale, les lignes de front se situant entre 12 et 50 km de Tripoli.
M. Salamé a indiqué qu'il allait rappeler au Conseil de sécurité jeudi qu'il y avait "une possibilité d'embrasement généralisé". Les pays membres "doivent être beaucoup plus actifs et beaucoup plus unis afin d'endiguer un tel embrasement généralisé".
"Après les tout premiers succès de l'ANL (...), nous observons (aujourd'hui) une impasse militaire", a-t-il dit.
"Divisions internationales"
Selon lui, des "divisions internationales existaient avant l'attaque" et elles ont "encouragé" le maréchal Haftar à se lancer à la conquête de Tripoli.
Depuis le 4 avril, au moins 205 personnes ont été tuées et 913 blessées, selon un dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
L'OMS a indiqué que les équipes médicales et les chirurgiens qu'elle a mobilisés continuaient d'intervenir dans des hôpitaux de campagne installés sur les lignes de front, au sud de Tripoli.
L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a elle fait état mercredi de 25.000 déplacés, dont plus de 4.500 en 24 heures, "la plus forte augmentation de déplacements en un jour".
Mercredi, le département des Affaires humanitaires de l'ONU a annoncé le déblocage de deux millions de dollars pour une aide humanitaire d'urgence à destination des civils pris au piège dans les combats "incluant les réfugiés et les migrants vulnérables".
"Irréconciliables"
Jusqu'à présent, le maréchal Haftar ne veut pas entendre parler d'un cessez-le-feu. Et Fayez al-Sarraj refuse tout processus politique en l'absence d'un cessez-le-feu et d'un retrait sur les lignes d'avant le début de l'offensive. "Des positions irréconciliables", selon un diplomate.
Avec le risque d'enlisement dans ce pays pétrolier en proie au chaos, les belligérants vont chercher à se réarmer auprès de leurs soutiens, en dépit de l'embargo sur les armes décrété par l'ONU pour la Libye, craignent des diplomates.
L'ANL veut légitimer son offensive en la présentant comme une guerre contre le "terrorisme". Le GNA a accusé en retour le maréchal Haftar de vouloir "vendre son agression" à la communauté internationale.
Dans une déclaration à la BBC plus tôt cette semaine, M. Salamé avait estimé que l'offensive de Khalifa Haftar "ressemblait davantage à un coup d'Etat qu'à une lutte antiterroriste".