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La Centrafrique, royaume des "flibustiers des affaires"


Un homme sur un vélo sur l'avenue de Paoua, dans le nord de la Centrafrique, le 27 décembre 2017.
Un homme sur un vélo sur l'avenue de Paoua, dans le nord de la Centrafrique, le 27 décembre 2017.

"Flibustiers des affaires" et autres "conseillers véreux" sont nombreux à rechercher passeports diplomatiques et bonnes affaires en Centrafrique, pays en conflit depuis 2013 où l'autorité étatique a toujours eu du mal à s'imposer.

Mi-juin, l'ancienne star du tennis mondial Boris Becker a brandi un passeport diplomatique pour se défaire d'une poursuite pour dette à Londres. A Bangui, c'est la surprise. "Il n'est jamais venu en Centrafrique", jure un employé onusien.

Ses liens avec Bangui ne tiendraient qu'à une seule rencontre avec le président Faustin-Archange Touadéra, en avril à Bruxelles, selon une photo publiée sur Twitter par l'ancien joueur, serrant la main du président.

"Compte-tenu de l'extrême faiblesse et corruptibilité des autorités, les escrocs et aigrefins de tous bords trouvent toujours le moyen d'accéder au président et de profiter de la situation", estime Thierry Vircoulon, spécialiste de la Centrafrique à l'Institut français des relations internationales (IFIRI). Ce pays 'est un terrain parfait pour les flibustiers des affaires", affirme-t-il.

Les "blancs de la présidence" ont toujours fait recette en Centrafrique, dans le marché des affaires comme de l'influence diplomatique. Sous le président François Bozizé (2002-2013), un général de l'armée française avait été nommé conseiller militaire du palais.

Aujourd'hui, au moment où la Russie déploie des formateurs et livre des armes à Bangui, le fauteuil est occupé par un Russe, Valeri Zakarov, nommé il y a quelques mois conseiller sécurité du président Touadéra.

>> Lire aussi : A Bangassou, des déplacés à l'école de la débrouille en Centrafrique

Le "changement clair des relations de l'Occident à l'Afrique" est "un bon moment pour de nouveaux entrants étrangers de prendre leurs marques", notait en mars Ronak Gopaldas, consultant au centre sud-africain d'analyse Institute of Security Studies (ISS).

Selon Thierry Vircoulon, c'est plutôt "la continuation des pratiques de mauvaise gouvernance du passé".

Car ces nominations d'étrangers ne datent pas d'hier: dans les années 2000, le trafiquant d'armes russe Viktor Bout, surnommé le "marchand de mort", a été directeur général de la compagnie aérienne Centrafrican Airlines.

Il a depuis été arrêté en Thailande en 2008 et extradé aux Etats-Unis où il a été condamné à 25 ans de prison par la justice américaine pour trafic d'armes.

En juin 2002, l'ex-gendarme français Paul Barril, reconverti dans la sécurité privée en Afrique, avait été nommé responsable de la lutte contre le terrorisme intérieur et extérieur par le président Ange-Félix Patassé (1993-2003).

"Courtisans véreux"

Sous François Bozizé, qui l'a renversé en 2003, même schéma par lequel sont nommés de nombreux "courtisans véreux" et "conseillers douteux, mais parlant haut et fort", selon la formule de Jean-Pierre Tuquoi dans "Oubangui-Chari, le pays qui n'existait pas".

"Tous ces rapaces n'ont qu'une idée en tête: faire fortune très vite. Les uns siphonnent l'argent de l'aide internationale, d'autres escroquent sans vergogne l'Etat", écrit le journaliste français dans ce livre paru en 2017.

A l'époque, "de nombreux conseillers et proches de François Bozizé ont bénéficié de passeports de complaisance" moyennant finances, indique dans une plainte déposée en France en 2015 contre M. Bozizé, William Bourdon, avocat du gouvernement centrafricain.

Parmi eux, selon lui, l'opposant kazakh Moukhtar Abiazov, une ancienne conseillère de l'ex-président libyen Mouammar Kadhafi, ou encore un homme d'affaires israélien.

En 2010, le président Bozizé a élevé commandeur de l'Ordre du mérite centrafricain le maire de Levallois, Patrick Balkany. L'homme politique français controversé est cité dans la plainte de Me Bourdon comme intermédiaire présumé du groupe français Areva avec la présidence centrafricaine.

"Aujourd'hui à Bangui, tout passe encore par le palais", assurait à l'AFP fin 2017 un haut responsable politique centrafricain, en estimant que "non, le temps des affaires n'est pas fini".

Ainsi, en octobre, un homme d'affaires belge a affirmé à l'AFP que la Centrafrique lui avait proposé un poste de consul honoraire en Belgique à la suite d'un gros contrat signé à la présidence.

Il y a quelques jours, un autre Belge, le diamantaire Peter Meeus, a été nommé conseiller du gouvernement, avec pour mission de travailler sur tout ce qui touche au Processus de Kimberley, le système de certification internationale chargé d'éliminer du marché les diamants "sales".

Avec AFP

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