Le décès en Allemagne des suites d'un cancer de celui que les Ivoiriens appelaient "Hambak" à l'âge de 56 ans, est survenu quatre jours après les législatives du 6 mars qui se sont déroulées dans le calme et dont les résultats donnant la victoire au parti au pouvoir, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), n'ont pas été contestées dans la rue.
Une exception en Côte d'Ivoire où les récents scrutins ont été émaillés de violences, en particulier la dernière présidentielle du 31 octobre boycottée par l'opposition et largement gagnée par le président Alassane Ouattara, réélu à un troisième mandat controversé: avant et après l'élection, ces violences ont fait 87 morts et 500 blessés.
Mais pour la première fois depuis dix ans, l'ensemble des forces politiques qui comptent ont décidé de participer aux dernières législatives, à l'issue desquelles l'opposition a obtenu 91 élus contre 137 au parti au pouvoir.
De par ses connections, et le respect qu'il suscitait dans l'ensemble de la classe politique, M. Bakayoko a contribué à l'apaisement de la vie politique de son pays.
Sa mort n'a pas été une réelle surprise, puisqu'il avait été évacue à Paris pour y être hospitalisé le 18 février, alimentant les rumeurs les plus variées sur son état de santé et la nature de son mal.
C'était "un homme avenant, flexible, capable de franchir des lignes pour obtenir des résultats", note le politologue ivoirien Jean Alabro.
Très à l'aise dans tous les milieux, il rencontrait régulièrement à travers le pays les leaders religieux de toutes les communautés et ethnies, les dirigeants politiques, les jeunes et les acteurs de la vie associative, pour les exhorter à s'écouter et se respecter, à ne pas recourir à la violence.
"La Nation pleure"
"La Côte d'Ivoire en deuil", "La Nation pleure", "Ouattara pleure un autre fils": jeudi, tous les titres de la presse ivoirienne étaient bien sûr consacrés à sa mort et des dizaines de personnes, l'air grave, se regroupaient devant les kiosques à journaux pour les lire, a constaté l'AFP.
"Les gens sont abattus, ça fait mal. On a perdu un parent, un homme, un frère", déclare Franck Oulaï, la quarantaine. Pour Massongué Cissé, employée de bureau, "c'était un modèle pour la jeunesse et vraiment ça me fait beaucoup de peine".
En annonçant la mort de son Premier ministre mercredi soir, le président Ouattara a dit perdre un "fils et un proche collaborateur".
Ce terme de "fils", il l'avait déjà utilisé à la mort en juillet 2020 de Amadou Gon Coulibaly, prédécesseur de Hamed Bakayoko. Agé de 62 ans, M. Coulibaly était décédé quelques jours après son retour à Abidjan à la suite d'un hospitalisation et d'une convalescence de deux mois en France.
Egalement très proche du chef de l'Etat, c'est lui qu'il avait choisi pour se présenter à la dernière présidentielle, mais sa mort avait poussé Alassane Ouattara à se représenter alors qu'il avait annoncé ne pas vouloir briguer de troisième mandat.
"Cette perte plonge à nouveau le RHDP dans une dure épreuve", a reconnu jeudi Adama Bictogo, directeur exécutif de ce mouvement.
La charge de Premier ministre est actuellement assurée par Patrick Achi, ex-secrétaire général de la présidence nommé lundi à titre intérimaire.
Hamed Bakayoko occupait également le poste de ministre de la Défense, et y sera remplacé temporairement par Téné Birahima Ouattara, ministre des Affaires présidentielles et frère cadet du président.
Les dates du retour dans son pays de la dépouille d'Hamed Bakayoko, ainsi que le deuil national qui devrait être décrété et les funérailles n'ont pas encore été déterminés et le seront en accord avec sa famille, indique-t-on de source proche de la présidence.