Les Etats-Unis n'ont plus reçu de dirigeant africain en visite d'Etat – plus haut degré du protocole diplomatique – depuis le Ghanéen John Kufuor en 2008. Ce voyage, annoncé en février, devrait coïncider avec le déploiement des premières troupes kényanes en Haïti dans le cadre d'une force multinationale visant à rétablir l'ordre dans ce pays des Caraïbes ravagé par la violence de gangs.
Après des mois de tractations, Nairobi a accepté de prendre la tête de cette mission, validée en octobre par le Conseil de sécurité de l'ONU et soutenue financièrement et logistiquement par Washington – qui ne veut toutefois pas envoyer de forces.
Le gouvernement kényan est resté silencieux sur ce déploiement qui suscite de vives critiques et fait l'objet de recours en justice dans le pays, mais un premier contingent de policiers kényans devrait poser pied sur l'île cette semaine, ont indiqué des sources sécuritaires à l'AFP. L'armée américaine avait annoncé le 7 mai avoir envoyé des "personnels civils sous contrat, du matériel et des fournitures" à l'aéroport de Port-au-prince pour préparer l'arrivée de cette force.
Face aux critiques, M. Ruto – qui s'attache à imposer le Kenya sur la scène internationale – a défendu une "mission pour l'humanité" dans un pays ravagé selon lui par le colonialisme. Son voyage sera l'occasion d'aborder les difficultés qui subsistent sur son financement.
Si Washington a promis de l'abonder de plus de 300 millions de dollars (276 millions d'euros), le président Ruto va demander "que les États-Unis fassent davantage pour rallier un soutien financier au pot commun de l'ONU" pour cette mission, estime Meron Elias, analyste pour l'Afrique orientale et australe à l'International Crisis Group. "Le Kenya souhaite également que les États-Unis s'engagent à soutenir plus activement la lutte contre les flux d'armes vers Haïti, y compris depuis les ports américains de Floride", ajoute-t-elle.
"Partenariats" économiques
Outre le président Joe Biden, jeudi, M. Ruto rencontrera à Washington des parlementaires et acteurs économiques, et se rendra au Pentagone. Les discussions devraient également aborder les crises qui constellent l'Afrique de l'Est et des Grands Lacs (insurrection shebab en Somalie, tensions Somalie-Somaliland-Ethiopie, conflits en Ethiopie, négociations sur le Soudan du Sud, conflit dans l'est de la RDC...).
Considéré comme un havre de stabilité démocratique et une locomotive économique dans la région, le Kenya est un partenaire privilégié de Washington sur le continent africain, où son influence est contestée par la Russie sur le plan militaire et la Chine dans le domaine des échanges commerciaux. Washington s'emploie à tenter de contrer la forte présence au Kenya de Pékin, qui en est le principal importateur et créancier.
William Ruto compte sur les investissements américains pour relancer une économie à la peine depuis la pandémie. Avant d'arriver mercredi à Washington, il fera une première étape à Atlanta (sud-est). Il doit notamment se rendre au siège de Coca-Cola "où de nouveaux partenariats d'investissement seront annoncés", a indiqué la présidence kényane.
"Nous avons de très grandes opportunités valant des milliards et des milliards de dollars (...). Nous avons préparé plus de 30 projets rentables d'une valeur de plus de 20,5 milliards de dollars pour intéresser les investisseurs américains et la diaspora kényane", a affirmé la ministre kényane en charge du Commerce Rebecca Miano.
A Washington, le président Ruto plaidera également pour la prolongation après 2025 d'un accord de libre-échange, l'African Growth and Opportunity Act (AGOA), qui permet à certains pays africains d'exporter de nombreux produits vers les Etats-Unis sans droits de douane. En 2022, les États-Unis ont exporté pour 604 millions de dollars (555 millions d'euros) vers le Kenya et importé 875 millions de dollars (805 millions d'euros), selon le Bureau du représentant américain au Commerce.
M. Ruto ne s'adressera toutefois pas au Congrès, le président de la Chambre des représentants, le Républicain Mike Johnson, n'ayant pas répondu favorablement à la demande en ce sens de la commission des Affaires étrangères de la Chambre. Les élus du Parti démocrate de Joe Biden ont accusé la semaine dernière M. Johnson de manquer de respect à l'Afrique, se disant "extrêmement déçus" par sa décision. La dernière dirigeante africaine à s'adresser au Congrès fut Ellen Johnson Sirleaf, la présidente du Liberia et première femme élue cheffe d'État sur le continent, en 2006.
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