"Comme les autres secteurs, ces sanctions ont exacerbé les difficultés que vivent les médias", déclare à l’AFP Souleymane Brah, membre de la Maison de la presse qui regroupe 30 groupes de médias nigériens.
Le Niger subit depuis le 30 juillet de lourdes sanctions économiques et financières imposées par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) après le coup d'Etat militaire qui avait renversé quatre jours plus tôt le président élu Mohamed Bazoum. Ce blocus affecte sérieusement l'économie locale et engendre des pénuries de certains produits et des hausses de prix des denrées alimentaires, n'épargnant pas la presse.
Pourvoyeurs de recettes importantes pour les médias, les séminaires, conférences internationales, ateliers divers et autres activités des ONG ont diminué drastiquement, ajoute Souleymane Brah. L'Association nigérienne des éditeurs de la presse indépendante (Anepi) confirme cette mauvaise passe.
"Sur la vingtaine de titres paraissant régulièrement (avant les sanctions) au maximum sept sortent actuellement, les autres ont disparu", atteste Souley Zabérou, président de l'Anepi et directeur de l'hebdomadaire Le Temps.
De 125.000 FCFA à 130.000 FCFA (environ 200 euros) avant le coup d'Etat, les coûts d'impression de 500 exemplaires d'un journal sont passés à environ 160.000 FCFA (243 euros), selon lui. Et les ventes des journaux ont baissé: sur 500 exemplaires placés dans les kiosques, "à peine 100 sont vendus", puisque "les gens n'ont plus d'argent", note M. Zabérou qui prédit que "si cette situation dure, aucun journal ne sera épargné".
"Nos recettes ont chuté de 50%, et nous faisons de plus en plus face à des difficultés pour payer les salaires et les factures", peste Ibrahim Manzo Diallo, directeur de l'hebdomadaire Aïr-Info et de la radio Sahara FM, à Agadez, dans le Nord du Niger. "Toutes les ONG de l'Union européenne, les projets de développement, sont partis avec ces sanctions" et "nos annonceurs c'étaient eux", remarque Ibrahim Manzo Diallo.
Licenciements
Climat tout aussi morose au bi-hebdomadaire La Roue de l'histoire, qui a été contraint de réduire son tirage de 2.500 exemplaires avant les sanctions à 500 aujourd'hui, explique son rédacteur en chef, Ibrahim Moussa.
Et pour garder la tête hors de l'eau, le titre a réduit le nombre de son équipe rédactionnelle de dix à six. "A partir du moment où il n'y a plus assez d'argent, on ne peut plus garder tout le monde", commente M. Moussa.
Dès le lendemain des sanctions, le prix du papier journal s'est "envolé" et "on jongle pour imprimer", explique de son côté Ali Soumana, directeur de l'hebdomadaire Le Courrier.
De 18.000 FCFA (27 euros), la rame de papier a grimpé à 35.000 et 40.000 FCFA (53 à 60 euros), dit-t-il. Du côté des télévisions, de nombreux salariés affichent "jusqu'à six mois d'arriérés de salaires", précise Ismaël Abdoulaye, directeur général de la télévision privée Canal 3.
Pour alléger les charges, la plupart des radios et télévisions suspendent momentanément leurs émissions dans la journée puis coupent l'antenne plus tôt que d'habitude, selon leurs responsables. "Ce qu'il faut craindre? C'est la fermeture tout simplement!", s'alarme Ismael Abdoulaye. Face à cette descente aux enfers, les travailleurs des médias haussent le ton.
"Depuis quelques mois, les travailleurs des médias privés végètent dans une situation de précarité alarmante et sans précédent", a dénoncé la semaine passée le Syndicat des professionnels de la presse écrite et de l'audiovisuelle du Niger. Il "invite les autorités à avoir un oeil" vigilant "sur les conditions de vie" de ses adhérents.
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