Des journalistes s'étaient retrouvés à la Maison de la presse, où la profession tient d'ordinaire des rencontres ou des conférences de presse, en vue d'une journée de manifestation contre les restrictions à la liberté de la presse et à l'accès à internet sous la junte au pouvoir.
Deux pick-ups de gendarmes sont arrivés sur les lieux et ont embarqué de force environ cinq journalistes, a rapporté le correspondant de l'AFP présent sur les lieux. Un des pick-ups s'est placé devant la porte de la Maison de la presse pour empêcher quiconque de sortir. Cette descente fait suite à la vigoureuse mise en garde adressée la veille par le ministre de l'Administration du territoire Mory Condé.
"Je rassure le peuple de Guinée (quant à) la détermination du gouvernement à mettre hors d'état de nuire ces individus et à poursuivre les auteurs et les commanditaires de tout acte de violence qui surviendrait suite à ces appels à manifester", a-t-il prévenu mercredi soir sur la télévision d'Etat. Les organisations qui seraient impliquées risquent le retrait de leur agrément, a-t-il ajouté.
Le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) a appelé à manifester "pour libérer les médias et réseaux sociaux". Il a reçu le soutien du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), important acteur de la vie politique ces dernières années et rare voix à se faire encore entendre malgré sa dissolution par la junte. La junte, qui a pris le pouvoir par la force en 2021, a interdit les manifestations en 2022.
La Guinée se remet par ailleurs de l'explosion en décembre de ses stocks de carburant, qui a profondément perturbé l'activité. Le SPPG dispose de moyens limités; le milieu de la presse est par ailleurs divisé. Mais le ministre a assimilé les incitations à manifester à des "messages d'appel à la violence". La Guinée, dirigée pendant des décennies par des régimes dictatoriaux ou autoritaires, a l'habitude que les manifestations dégénèrent en violences. Elle connaît depuis des semaines de sévères restrictions d'accès à internet et des mesures contre la presse.
Le gouvernement a justifié la semaine dernière les restrictions à internet par un "problème sécuritaire", sans plus de précision, devant les ambassadeurs ou représentants de partenaires importants de la Guinée venus exprimer leur préoccupation pour la liberté d'expression et la connexion internet. Les autorités ont suspendu mercredi pour neuf mois le site d'information dépêcheguinée et pour six mois l'auteur d'un article sur des fonds publics guinéens considérables qui pourraient avoir été détournés et qui seraient bloqués à Dubaï selon lui.
Le syndicat français SNJ-CGT a fait état, avec d'autres, de l'interpellation et de l'expulsion ces derniers jours du journaliste Thomas Dietrich, en Guinée pour une enquête sur la Société nationale des pétroles et le patrimoine de son directeur général.
Forum