M. Kamerhe, 61 ans, est le principal accusé d'un procès anticorruption sans précédent portant sur le détournement et le blanchiment présumés de quelque 50 millions de dollars d'argent public.
Le procureur a conclu son réquisitoire de près de deux heures en demandant 20 ans de "travaux forcés" (prison) à son encontre, ainsi que dix ans de privation du droit de vote et d'éligibilité.
La même peine de 20 ans a été requise contre le premier de ses deux coaccusés, l'entrepreneur libanais Jammal Samih, 78 ans, dont plus de 50 passés au Congo. Le Parquet souhaite le voir quitter le territoire congolais à l'issue de sa peine.
Une peine supplémentaire de 15 ans a également été requise contre MM. Kamerhe et Samih pour "corruption aggravée". Le Parquet a aussi retenu l'accusation de blanchiment de capitaux.
Le cumul des peines ne doit cependant pas dépasser "20 ans de travaux forcés ou de servitude pénale", a indiqué le procureur du Tribunal, qui siège dans la cour de la prison centrale de Kinshasa.
MM. Kamerhe et Samih y sont en détention préventive depuis début avril. Ils sont jugés en compagnie d'un troisième accusé, Jeannot Muhima, fonctionnaire de l'Etat, qui était chargé du service import-export à la présidence de la République.
Le Parquet a également demandé la "confiscation des fonds" bancaires de l'épouse de M. Kamerhe, de la fille de celle-ci et d'un cousin de l'accusé, ainsi que "la confiscation des propriétés immobilières acquises avec les fonds détournés pendant la période allant de janvier 2019 à ce jour".
Dans sa plaidoirie, un avocat de la République démocratique du Congo, partie civile, a affirmé que le couple qui s'est marié en février 2019 avait acquis et rénové un hôtel particulier en France pour plus d'un million d'euros.
- "Aucune preuve" -
Originaire de la province du Sud-Kivu (Est), M. Kamerhe est une figure centrale de la vie politique congolaise depuis les années 2000.
Candidat déclaré à la présidentielle du 30 décembre 2018, il s'était désisté au profit de Félix Tshisekedi un mois avant le scrutin. Les deux hommes avaient conclu un accord prévoyant que M. Kamerhe soit à son tour candidat à la présidentielle suivante, en 2023.
Une fois au pouvoir, M. Tshisekedi avait nommé M. Kamerhe au poste de directeur de cabinet du chef de l’Etat.
Ce procès sans précédent est retransmis en direct et intensément suivi par les Congolais.
L'argent public que M. Kamerhe est accusé d'avoir détourné devait financer un volet des travaux d'urgence du programme des "100 jours" lancé par le chef de l’Etat à son arrivée au pouvoir.
Ce volet portait sur la construction de logements sociaux pour militaires, sous la forme de 1.500 maisons préfabriquées.
Le marché avait été passé avec Jammal Samih.
La défense de M. Kamerhe a soulevé une "exception d'inconstitutionnalité" contre la peine requise de 20 ans de "travaux forcés", en affirmant que cette peine n'est pas conforme à la Constitution de la RDC.
Depuis Paris, un collectif d'avocats de M. Kamerhe a annoncé avoir saisi un "groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire", en "sollicitant une intervention urgente pour garantir le respect des droits fondamentaux de Vital Kamerhe".
"La procédure fait état de détournements d’argent public. Mais il n'y a aucune preuve de flux financiers coupables", écrivent dans un communiqué Me Jean-Marie Kabengela et Me Pierre-Olivier Sur.
Les deux avocats reviennent également sur la mort soudaine du magistrat Raphaël Yanyi qui présidait les débats, dans la nuit du 26 au 27 mai, soit deux jours à peine après la deuxième audience.
Dans l'attente d'un compte-rendu d'autopsie, "plusieurs sources" avancent que le magistrat a été "empoisonné et désignent monsieur Vital Kamerhe comme responsable".
"Dans ce contexte tendu, les autorités pénitentiaires congolaises ne sont pas en mesure de garantir la sécurité" de Vital Kamerhe, estiment les avocats.
M. Kamerhe n'a pas officiellement démissionné de son poste de directeur de cabinet, mais un intérimaire - son adjoint - a été nommé.
M. Kamerhe est le président de l'Union pour la Nation congolaise (UNC), parti qui compte plusieurs ministres au sein du gouvernement de coalition de M. Tshisekedi. Aucun n'a démissionné à ce jour.