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La justice spécialisée tunisienne se penche sur les crimes de Ben Ali


Sihem Ben Sedrine (D), Présidente de l’Instance Vérité et Dignité, lors d'une conférence de presse à Tunis le 25 mai 2018.
Sihem Ben Sedrine (D), Présidente de l’Instance Vérité et Dignité, lors d'une conférence de presse à Tunis le 25 mai 2018.

Le procès pour le meurtre d'un opposant sous lle régime de Zine el Abidine Ben Ali s'est ouvert en Tunisie, une première dans le cadre du processus de justice transitionnelle instauré après la révolution de 2011 pour juger les crimes du passé.

Kamel Matmati, un membre du mouvement islamiste Ennahdha alors réprimé par le régime Ben Ali, a été arrêté le 7 octobre 1991 à Gabès et torturé à mort en prison peu après. Sa famille le considère comme disparu faute d'avoir pu récupérer son corps.

Sept ans et demi après la révolution, le procès s'est ouvert dans une salle comble, mais en l'absence des accusés.

Des tentes ont été dressées devant le tribunal et plus de 150 personnes ont manifesté avant l'ouverture, scandant "Non à l'impunité", "Justice équitable = pays sécurisé".

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Outre Ben Ali, exilé en Arabie saoudite, treize accusés dont son ministre de l'Intérieur Abdallah Kallel et Mohamed Ali Ganzoui, ancien chef de la Sûreté, sont poursuivis pour homicide, torture ou disparition forcée.

"Nous voulons que ceux qui l'ont tué, torturé, soient jugés", a déclaré l'épouse du disparu, Latifa. "Nous sommes passés par des années terribles. Le plus dur est de ne pas avoir sa dépouille (...). Mais il y a une joie aujourd'hui, parce que finalement la vérité va être dévoilée", a-t-elle ajouté.

Ben Ali et certains piliers de son régime policier ont déjà été condamnés à des années de prison dans des procès menés immédiatement après la révolution de 2011, qui ont été critiqués pour leur approche expéditive et parfois politique.

Depuis, l'Instance Vérité et Dignité (IVD) a été laborieusement mise en place en 2014 pour rendre justice aux victimes de la répression sous les régimes ayant suivi l'indépendance et des troubles post-Révolution.

Elle a le mandat d'enquêter sur des viols, meurtres, tortures ou faits de corruption entre 1955 et 2013, de faire entendre voire indemniser les victimes et de préconiser des mesures pour que cela ne se reproduise plus.

- "Je veux savoir où mon fils est enterré" -

Treize tribunaux spécialisés ont été créés.

Le procès de mardi est le premier dans ce processus de justice transitionnelle. Il a été instruit par l'IVD qui a apporté notamment des documents manuscrits montrant l'implication des plus hauts responsables de l'Etat.

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"Ce sont des crimes systématiques et non pas des cas isolés" et le but de ce recours à la justice c'est de lutter "contre l'impunité", avait expliqué en avril la présidente de l'IVD, Sihem Bensedrine.

Pour l'ONG Human Rights Watch (HRW), "il s'agit, peut-être, d'un tournant pour la justice", longtemps instrumentalisée au service de la répression en Tunisie.

C'est "l'occasion pour la justice de prouver son indépendance et (...) repartir sur de nouvelles bases", après des procès peu satisfaisants dans la foulée de la révolution, a estimé Emna Guellali, directrice de HRW en Tunisie.

Lors de premières auditions publiques de l'IVD en novembre 2016, Latifa Matmati avait raconté comment son mari a été arrêté sur son lieu de travail, et jamais revu depuis. Après des années à le chercher désespérément d'une prison à l'autre, elle a appris qu'il avait en fait rapidement succombé sous la torture.

"J'ai cherché dans tous les postes de police et dans toutes les prisons", a raconté lors de l'audience mardi la mère du disparu, Fatma. "Durant des années je le cherchais partout, en hiver mon safsari (voile traditionnel) était trempé par la pluie, et en été par la sueur." "Je veux savoir où mon fils est enterré et prier pour lui."

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L'IVD, qui joue un rôle crucial dans la transition démocratique, a reçu plus de 62.000 dossiers, et renvoyé à ce jour 32 cas aux tribunaux spécialisés.

Critiquée pour sa lenteur, l'instance a fait face à des réticences politiques avec le retour au pouvoir de responsables de l'ancien régime, mais aussi à des différends internes et au manque de coopération d'organes étatiques.

Avec AFP

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