La police burkinabè a dispersé samedi matin à l'aide de gaz lacrymogène plusieurs centaines de personnes qui souhaitaient manifester à Ouagadougou contre le pouvoir lors d'un rassemblement interdit par la mairie, a constaté un journaliste de l'AFP.
Les policiers anti-émeutes ont tiré du gaz lacrymogène pour empêcer les manifestants de se rassembler place de la Nation, dans le centre de la capitale burkinabè quadrillé par un important dispositif de sécurité et où tous les commerces étaient fermés.
"La marche est interdite, dispersez-vous, rentrez chez vous", a lancé un policier aux manifestants avant la dispersion.
Le rassemblement des manifestants qui souhaitaient dénoncer "l'incapacité" du président Roch Marc Christian Kaboré à faire face à la violence jihadiste qui ravage le Burkina, avait été interdit par la mairie de Ouagadougou.
"Je vous invite à prendre toutes les dispositions que vous jugerez utiles pour qu'aucune manifestation illégale ne puisse se dérouler sur le territoire communal" de Ouagadougou, a demandé le maire Armand Beouindé, dans une note adressée aux commandants de la gendarmerie, de la police nationale et municipale.
L'un des manifestants, Fabrice Sawadogo, un jeune de 28 ans, a affirmé qu'"après sept ans d'incapacité face aux attaques terroristes qui nous endeuillent chaque jour, il est temps de demander le départ du régime". "Nous n'avons pas à négocier avec un gouvernement incompétent qui doit ademettre qu'il a échoué", a-t-il affirmé.
La Coalition du 27 novembre, regroupant trois organisations de la société civile, avait appelé "l’ensemble des Burkinabè à sortir massivement" samedi "dans une ambiance pacifique, pour dénoncer l’insécurité grandissante et exiger le départ du chef de l’Etat", Roch Marc Christian Kaboré.
Qualifiant de "très chaotique" la situation au Burkina Faso "marquée par une sécurité en lambeau", le porte-parole de la coalition, Moussa Konaté, a annoncé qu'outre Ouagadougou, des manifestations étaient également prévues à Bobo Dioulasso, deuxième ville du pays, et dans d'autres grandes villes.
"Nous sommes dans un contexte d'insécurité que tout le monde dénonce. On ne devrait pas entreprendre des marches dont on ne voit véritablement pas la plateforme revendicative", avait rétorqué Benewende Sankara, ministre de l'Habitat, dénonçant au nom de la majorité présidentielle des "manifestations inopportunes".
Internet mobile coupé
D'autres mouvements de la société civile ont appelé à se démarquer de ces manifestations pour "ne pas être complices de ceux qui veulent jeter le chaos dans le pays".
Alors que la colère grandit au Burkina Faso, le gouvernement a "décidé de prolonger la suspension de l'internet mobile pour une durée de 96H à compter de mercredi", sur l'ensemble du territoire national, après une précédente interruption de quatre jours pour "raison de sécurité".
Le Burkina Faso est pris depuis 2015 dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés jihadistes, affiliés à Al-Qaïda et à l'État islamique.
Les attaques qui visent civils et militaires sont de plus en plus fréquentes et en grande majorité concentrées dans le nord et l'est du pays.
L'attaque le 14 novembre d'un détachement de gendarmerie à Inata (nord) qui avait auparavant appelé à l'aide - l'une des plus meutrières contre les forces de sécurité depuis six ans - a profondément choqué les Burkinabè: au moins 57 personnes, dont 53 gendarmes, ont été tuées par des jihadistes armés.
"Nous devons mettre fin aux dysfonctionnements inacceptables qui sapent le moral de nos troupes combattantes et entravent leur efficacité dans la lutte contre les groupes armés terroristes", a déclaré jeudi soir le président Kaboré, des paroles souvent répétées qui ne convainquent plus au Burkina Faso où des attaques ont lieu de plus en plus régulièrement.
Parfois mêlées à des affrontements intercommunautaires, les violences jihadistes ont fait depuis six ans environ 2.000 morts et contraint 1,4 million de personnes à fuir leur foyer.