La procédure de destitution de la présidente brésilienne Dilma Rousseff va finalement se poursuivre au Sénat mardi après une série de rebondissements et une vaine tentative du président de l'Assemblée pour la suspendre.
Le président intérimaire du Congrès des députés, Waldir Maranhao, est revenu mardi sur sa décision, prise la veille, de suspendre cette procédure en invalidant le vote des députés qui avaient approuvé son lancement.
Dans un communiqué succinct publié au petit matin, M. Maranhao a expliqué être "revenu sur sa décision" d'annuler le vote du 17 avril.
La veille, l'homme politique, connu pour ses déclarations fantasques, avait provoqué un retentissant coup de théâtre en déclarant que le vote de l'assemblée plénière des députés constituait un "pré-jugement" de la présidente de gauche et "portait atteinte à une pleine défense de la présidente".
"Pour cette raison, j'ai annulé la session (plénière du Congrès des députés) des 15, 16, 17 avril pour que soit convoquée une nouvelle session pour délibérer sur la question", avait-il alors expliqué.
La décision de ce député, propulsé jeudi par surprise au perchoir de la chambre basse, a plongé la capitale Brasilia dans la plus totale confusion durant de longues heures et a même pris de court Dilma Rousseff.
"Vous venez de l'apprendre comme moi sur vos téléphones portables. Je ne sais pas quelles seront les conséquences, s'ils vous plaît il faut être prudents (...) il faut comprendre ce qui se passe", avait-elle prudemment réagi, demandant au parlementaires de "gérer la situation avec sérénité".
Le président du Sénat Renan Calheiros avait mis fin au suspens en décidant d'ignorer "la décision intempestive" du député Maranhao et en ordonnant la poursuite de la procédure.
"Aucune décision autocratique ne peut s'imposer à une décision collégiale", avait-t-il argumenté en se référant au vote des députés.
"Accepter une telle plaisanterie avec la démocratie me compromettrait personnellement dans le retard du processus. Il n'appartient pas au président du Sénat de dire s'il est juste ou injuste, mais à l'assemblée plénière du Sénat", avait-il souligné.
Sa décision avait déchaîné la colère des sénateurs de gauche qui réclamaient la suspension de la procédure.
La procédure va donc suivre son cours, sauf intervention du Tribunal suprême fédéral. Son président, Ricardo Lewandowski, a déclaré qu'il "donnera priorité aux recours judiciaires" en lien avec la destitution et a assuré que la procédure respecterait la loi.
- "Je vais vous surprendre" -
Les sénateurs sont appelés à voter à partir de mercredi l'ouverture formelle d'un procès en destitution de Mme Rousseff pour maquillage des comptes publics à la majorité simple.
Cette décision entraînerait la mise à l'écart automatique de Mme Rousseff du pouvoir pendant un maximum de 180 jours, en attendant le jugement final du Sénat transformé en tribunal pour l'occasion.
Son vice-président Michel Temer, ancien allié devenu rival, la remplacerait immédiatement par intérim et formerait un nouveau gouvernement.
L'issue du vote attendu jeudi ne fait pratiquement aucun doute: une cinquantaine de sénateurs sur 81 ont déjà annoncé leur intention de voter en faveur de l'ouverture du procès en destitution de la présidente de gauche qui dénonce un "coup d'Etat parlementaire sans base légale".
M. Maranaho avait été catapulté jeudi à la présidence de l'Assemblée après la suspension du président de la chambre basse, Eduardo Cunha, par la justice pour entrave aux enquêtes le visant dans le cadre du scandale de corruption Petrobras.
Le 17 avril, M. Maranhao, député du Parti progressiste (PP, droite), lui-même soupçonné de corruption dans le dossier Petrobras, avait voté contre la destitution de Mme Rousseff "en défense de la démocratie", tout en jurant sa totale loyauté à Eduardo Cunha, le stratège de la procédure contre la présidente.
En apprenant la suspension de M. Cunha, le député Maranhao, notoirement peu préparé pour ses nouvelles fonctions, était apparu tétanisé.
II avait immédiatement annulé une séance de débats, coupé les micros de l'assemblée et s'était réfugié dans son bureau. Interrogé par des députés sur ses intentions, il leur avait demandé un moment "pour parler deux trois minutes avec Dieu".
"Je vais vous surprendre!" avait-il lancé plus tard. Personne n'y avait alors trop prêté attention.
Avec AFP