Hormis le cas record du Rwanda avec un taux de femmes deputées de plus de 61%, largement supérieur à la moyenne mondiale de 26%, les femmes continuent de se debattre pour se faire une place dans l'arène politique.
Le Sénégal compte désormais la plus forte proportion de femmes parlementaires jamais enregistrée en Afrique de l'Ouest, soit 44 % des sièges à l'Assemblée Nationale. Deux Sénégalaises ont occupé le poste de premier ministre; Mame Madior Boye de 2001 à 2002 et Aminata Touré de 2013 à 2014. Mme Touré est l'une des six femmes qui ont déposé leurs dossiers à la présidentielle de février 2024, parmi 93 candidatures.
Satisfaite du nombre de femmes parlementaires, elle estime que tout n’est pas gagné, qu’il "reste maintenant à parachever cette parité au niveau du gouvernement, au niveau des conseils d’administration”. “Le gouvernement est complètement en faveur des hommes du point de vue numérique”, constate Mme Touré, avant d’ajouter “c’est la prochaine conquête qu’il nous faut avoir. C’est un gouvernement paritaire comme l’Assemblée nationale, comme les conseils municipaux."
A la surprise générale, Aminata Touré a été recallée avec 71 autres candidats à l'étape des parrainages. Du côté des femmes, deux candidates sur six ont vu la validation de leurs dossier par la Cour constitutionnelle. Il s'agit du docteur Rose Wardini et de l'entrepreneure Anta Babacar Ngom.
En 2019, les candidatures des trois femmes à la présidentielle ont été rejetées. Parmis elles, la Docteure en Droit Amsatou Sow Sidibé -déjà candidate en 2012- qui en était à sa troisième tentative cette année. N'ayant pu réunir la somme totale de la caution, Mme Sow a vu son dossier rejeté une nouvelle fois en 2024.
L'universitaire dénonce la situation financière des femmes généralement inférieure à celle des hommes, ce qui ne leur donne pas les mêmes chances, selon elle. Mme Sow Sidibé est l'une des architectes de la loi de 2010 sur la parité au Sénégal.
"La parité, elle est née dans mon bureau, avec une jeune femme qui s’appelle Fatou Camara”, a-t-elle expliqué à VOA Afrique, précisant avoir “transmis aux différentes organisations qui s’intéressent à la question des femmes d’abord un courrier, ensuite une première mouture qui est à l’origine de la loi sur la parité."
Les gabonaises avant le coup d'Etat
Au Gabon, deux femmes ont déposé leur dossier pour l’élection présidentielle du 26 août 2023; Paulette Missambo, présidente de l’Union Nationale, et Victoire Lasseni Duboze, candidate indépendante.
Après que Mme Missambo se soit retirée de la course au profit d'un autre candidat, Mme Lasseni Duboze s'est retrouvée la seule femme en lice sur 14 candidats, à cette présidentielle à un seul tour, dont les résultats ont été balayés par le coup d'Etat du 30 août.
Affirmant que "le grand changement” passe par les femmes, elle dit que c’est pour cette raison qu’elle n’a “pas fait de ralliement aux candidats au masculin”, considérant que “les femmes ont leur place aussi et une grande place car elles gèrent les choses autrement." Le code électoral gabonais exige que 30% des candidats sur les listes de partis pour les élections à l’Assemblée Nationale soient des femmes.
Paulette Missambo, nommée présidente du sénat par le régime militaire le 18 septembre 2023, avait été élue présidente de l'UN en 2021. Au sein de ce parti, elle avait mis en oeuvre des stratégies pour inciter les femmes et les jeunes à se faire inscrire sur les listes électorales.
Pour ce qui est de la promotion féminine en politique, l’ancienne ministre a plus d’une corde à son arc. "Je suis membre fondatrice du forum des éducatrices africaines qui a inclu maintenant dans son programme, la sensibilisation des femmes à la politique. Donc maintenant au-delà de l’accessibilité à l’école, il y a aussi l’intéressement des femmes et des filles à la chose politique."
Les Guinéennes après le coup d'Etat
Les Guinéennes, comme les Sénégalaises, sont reputées pour leur endurance et détermination dans la lutte pour l'accès aux femmes des postes de décision. Des politiciennes d'une vingtaine de partis se sont mutualisées au sein du mouvement LGP, La Guinéenne en Politique, fondé par la présidente du Front pour l'Alliance Nationale, l'ancienne ministre et diplomate Makalé Camara.
Mme Camara a été candidate à la présidentielle en 2020 dans son pays, qui compte aujourd'hui plus de 30% de femmes au Conseil National de Transition, organe législatif créé par le régime militaire au pouvoir depuis le 5 septembre 2021.
"C’est la politique qui nous met autour de la table de discussion, et le pouvoir s’acquière à travers la politique", a déclaré à VOA Afrique Mme Makale, estimant que "les partis qui acceptent le positionnement des femmes sur les listes électorales et en bonne place" devraient être "subventionnés".
Comme de nombreuses femmes de la société civile, la militante féministe Marthe Koïvogui, active sur tous les fronts, se dit impatiente de participer à de nouvelles élections à l'issue de la transition militaire. "La politique m’intéresse vraiment parce que c’est par l’un des biais où on peut changer beaucoup de choses, et les femmes ont leur place. J’ai tâté le terrain et les élections prochaines en Guinée m’intéressent."
Dans un autre registre, Asmaou Barry, journaliste et membre du CNT, souligne qu'il est important de promouvoir également les femmes expertes, qu'il faut "dénicher" au lieu de présumer qu'elles sont introuvables.
Elle précise que pour ce faire, le "gouvernement, à travers la Ministre de la Promotion féminine, a lancé le compendium des femmes", une sorte de "répertoire" dans lequel "on peut aller choisir le profil que l’on souhaite (...) lorsque nous avons besoin d’une femme experte dans X domaine".
Les Congolaises à l'épreuve des élections générales
En RDC, 51% des électeurs enregistrés sont des femmes. Mais Joelle Bilé et Marie-Josée Ifoku, sont les deux seules femmes dont les candidatures à la présidentielle ont été validées. Mme Ifoku s'est retrouvée la seule femme en lice lorsque Mme Bilé s'est alignée derrière Félix Tshisekedi, président sortant vainqueur.
"Hormis ce problème de la caution, il y a le poids de la tradition aussi qui ne facilite pas la tache à la femme de mener ce genre de combat, parce que ça voudrait dire qu’elle tient tête aux hommes; donc ça demande quand même un caractère fort", a-t-elle confié à VOA Afrique, présageant que "dans les années à venir, on sera agréablement surpris de voir qu’il y aura sûrement plus de femmes qui mèneront ce combat là."
Joëlle Bilé a souligné, quant à elle, vouloir que les femmes soient "mieux positionnées dans des postes de décision et d'influence", et surtout, que la constitution soit respectée, car "la parité a été consacrée par cette constitution", a-t-elle rappelé.
"Les femmes sont reléguées à des postes au sein des partis qui sont très souvent celui de Directrice d’animation, de protocole, de ligue des femmes", regrette-t-elle, tout comme de realiser qu’"au sein des partis politiques, les hommes ont accepté de devoir payer leur participation aux élections, plutôt que d’en être exonéré par le simple fait qu’ils auraient zébré leur liste homme/femme alignés".
Quant à Stéphanie Mbombo, présidente du Cercle des Réformateurs Intègres du Congo (Cric), affilié au parti présidentiel, elle a pris partie de cette nouvelle loi électorale. La jeune politicienne a exigé des listes paritaires pour les législatives, ce qui lui a permis d'économiser 300.000 dollars, puisque les partis qui ont présenté au moins 50% de femmes ont été exemptés de caution.
Mme Mbombo a expliqué à VOA Afrique comment elle en est arrivée à créer son propre parti. "J’ai été membre d’un parti politique, le MLC, mais quand je me suis engagée, j’ai remarqué que les voix des jeunes n’étaient pas respectées. Les femmes, on les appelaient pour distribuer des polos et de la nourriture quand il y avait des activités. Alors je m’étais dit que je vais créer mon propre parti avec une idéologie, un programme, et que je vais me battre pour le voir venir."
En RDC, 64 femmes ont été élues à la députation nationale en décembre 2023, soit une légère progression avec 13,4% des sièges à l’Assemblée.
La présidente de l'Alliance pour les Actions de Développement du Congo, Adèle kabena Muauka, ayant décroché un siège à l’Assemblée Nationale, avait aussi misé sur cette loi visant à promouvoir les candidatures féminines.
Dans la province de Lomami, Gisèle Tshilengui, qui occupait la 75ème place sur la liste de cette plateforme politique, explique qu’il a fallu se mobiliser pour trouver des femmes actives, notamment dans le mileu associatif.
"Notre autorité morale, Madame Adèle kabena Muauka avait vraiment insisté pour que nous ayons ces listes. D’ailleurs, sur les listes des candidats en province, on avait 50 candidats qui ont été alignés, donc on a eu à voir trois quarts de la liste qui étaient des femmes."
Toutefois, ces élections générales ont accouché d'un fait surprenant; malgré une nette progression des candidatures féminines aux législatives provinciales, soit 28% contre 12% en 2018, le pourcentage de femmes élues est inférieur à la dernière législature.
Ketsia Olangi, présidente de la Ligue des femmes du parti ACP, s'est aussi présentée à la députation nationale en RDC. Fille du célèbre couple de prédicateurs Feu Elizabeth et Joseph Olangi, elle prêche pour “réveiller les femmes” qui, selon elle, doivent “se lever à tous les niveaux” afin d’acquérir les compétences requises en politique.
"Si tu es destinée à être une femme politique, si tu es destinée à être une femme leader, peu importe les circonstances, tu vas y arriver", a-t-elle prêché, conseillant de ne pas céder "aux abus", à "la compromission", ce qui serait "vendre une partie de ta destinée". Dans cette voie, "tu n’iras pas loin", estime la conférencière en motivation, avant de conclure que "si tu te discipline, tu vas voir que les portes vont s’ouvrir à un niveau, tu vas arriver là où tu veux arriver."
Quant aux femmes qui visent la présidentielle, elles sont non seulement limitées par les frais de campagne et de caution, mais elle subissent aussi la crise de confiance des électeurs.
Après avoir tenté sa chance aux législatives nationales en 2011, Hortense Kavuo Maliro, fondatrice de l’Association pour l’Intégration Sociale des handicapés Physiques en RDC, s’est essayée à la présidentielle en 2023. "Quand j’avais annoncé ma candidature, j’ai eu beaucoup de communication de partout: 'Hortense pourquoi vous voulez la magistrature suprême, pourquoi vous ne voulez pas aller aux législatives nationales, provinciales ou à la municipalité?'"
Non sans se laisser dire qu'elle aurait visé trop haut, la fondatrice de l'école We Are The World, qui prend en charge plus de 240 enfants handicapés, a longuement battaillé pour tenter de trouver des financements, tandis qu'elle était citée dans de nombreux media jusqu'aux grands journaux Français et Belges.
Tout juste après avoir déposé son dossier de candidature, elle s'est adressée à la presse devant le bâtiment de la Ceni à Kinshasa, dénonçant le montant de la caution, qu'elle n'a pas été en mesure de financer intégralement.
Zéro femme
Tous les pays africains se sont engagés à garantir que les femmes occupent au moins 33% des postes parlementaires d’ici 2030. Aux Etats-Unis, les femmes représentent à peine 27% des membres du Congrès, soit 29% à la Chambre des représentants et 25% au Sénat. Un taux inférieur à ceux de 17 pays africains.
Au premier janvier 2023, le Mexique était le seul pays au monde à avoir atteint la parité à la chambre basse et au Sénat, tandis que seulement cinq pays ont une majorité de femmes députées, dont le Rwanda, Cuba et les Emirats Arabes Unis.
Selon le tableau de l'Union Interparlementaire, la très grande majorité des pays du monde sont encore loin de la parité, à commencer par le Yemen, qui compte une seule femme sur 90 senateurs et zéro femme sur 245 députés.
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